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Reportages | Le fonctionnel avant tout!

30/06/2021

Peux-tu narrer l’histoire de ton élevage ?

Benoît : « L’élevage du Bois Rémont, c’est 70 ans de sélection à contre-courant! J’ai créé le suffixe à Porcheresse sur la commune d’Havelange…mais il trouve ses racines dans un des berceaux du blanc bleu à Ochain. C’est une longue histoire à raconter. Cela fait 70 ans que ma famille vit du Blanc Bleu Belge, soit 3 générations. Et j’espère toujours qu’un de mes enfants prenne le relais, même si cela semble mal parti. Quand je regarde en arrière, je me dis que mon grand-père, mon père et moi avons au moins 3 points communs : la passion pour le Blanc Bleu, l’attention au marché et l’esprit de contradiction ! On n’a rarement fait comme les autres. Mon grand-père a osé prendre le risque de sélectionner la musculature avant la mise au point de la césarienne. Quand il acheté le père de Valseur d’Ochain, un des premiers grands raceurs du BBB culard, mon père et mon oncle, Jojo, le conduisaient à deux à l’expertise, prétextant son mauvais caractère. En fait, ils voulaient surtout camoufler son épaule viandeuse au jury pour qu’il soit admis. A l’époque, l’excès de viande était un motif de refus à l’expertise pour éviter les vêlages difficiles. Ce choix lui a d’abord coûté cher car il avait rencontré beaucoup de problèmes au moment des vêlages. Par la suite, la science a évolué et la race s’est orientée vers le culard. Il avait donc acquis une certaine avance qui lui a permis de gagner un grand nombre de concours dans les années 60 et 70.

Dans les années 90, j’entendais mon père s’inquiéter de l’évolution de la race vers des animaux de plus en plus viandeux mais qui manquaient de taille. C’était l’époque du trio de raceurs : Radar, Brutal et Lasso. Ils ont amené un réel plus au niveau de la conformation mais la taille était déficitaire. A cette époque, c’est mon père Léo qui s’est marginalisé en n’utilisant pas ces taureaux à la mode et en optant pour des taureaux moins viandeux mais de grande taille. Je me souviens de Régal du Tilleul qui frôlait les 160 cm puis plus tard Hervé de Prunscamp et Istamboul de l’Orgelot, battu au concours de Bruxelles par un taureau pesant 420 kg de moins que lui à 30 mois. Cette orientation sensiblement différente a été souvent moquée dans le secteur mais a tout de même permis de mettre au monde, début des années 2000, Dafydd et Empire d’Ochain que l’on retrouve aujourd’hui dans de nombreux pédigrées.

A la fin des années 90, le troupeau d' »Ochain » a été scindé en deux entre mon père et mon oncle Jojo. Mon cousin Bertrand, successeur de Jojo et passionné de concours, a été le premier à remporter le titre national de Bruxelles avec le suffixe d’Ochain avec Messire en 2007. Ce titre suprême n’avait jamais été obtenu auparavant même si Valseur, Xénophobe ou Ottoman l’ont frôlé.

Quand j’ai acheté la ferme à Porcheresse en 2000, j’y ait incorporé la génétique paternelle d’Ochain et j’ai choisi de prendre le suffixe du Bois Remont. Cela me paraissait plus logique que le suffixe d’Ochain reste à la ferme de mon grand-père Achille, où réside mon cousin. Il n’empêche que tous les taureaux « du bois Remont » du catalogue Fabroca remontent aux vieilles souches d’Ochain. »

Quelle est ton optique d’élevage?

Benoît : « Je pense que ce qui fait la particularité de l’élevage du bois Rémont aujourd’hui, ce sont ses choix de sélection. A chaque éleveur ses objectifs, en fonction de son biotope et du contexte dans lequel il évolue. Avec mes activités professionnelles, à savoir le secrétariat de la Fédération des marchands et le centre de distribution Fabroca, je dois avoir une ferme qui tourne facilement et qui demande peu de travail. J’ai donc opté pour le veau au pis. La rentabilité de ma ferme repose aussi sur la vente de taureaux d’élevage, donc il faut des animaux fonctionnels. La vente de reproducteurs n’est un bon métier que si les taureaux font leur job et qu’ils ne reviennent pas. En donnant la priorité à une sélection mâle, je sais que mes femelles ne seront pas les plus viandeuses. En effet, pour obtenir des femelles au top, il faut utiliser des taureaux très viandeux. Malheureusement, les veaux mâles ayant plus de muscles que les veaux femelles, l’utilisation de taureaux très viandeux conduit aussi à la naissance d’un grand nombre de taureaux trop viandeux, qui ne conviennent plus pour mettre en troupeau, tout ce que je veux éviter. Pour compenser ce petit déficit en viande au niveau de mes femelles, je mets l’accent sur le gabarit et les aptitudes maternelles. Une vache qui élève trois veaux au pis, c’est 450€ de poudre de lait et beaucoup d’heures de travail épargnés. Beaucoup se plaignent que les bêtes n’ont plus de lait, que les veaux ne sucent plus bien, mais personnellement je fais super attention à ces critères. Par exemple, pour les taureaux que j’utilise chez moi, je ne choisis quasi que des têtards. Je suis hyper strict pour le fonctionnel dans ma ferme. L’inconvénient est que j’ai parfois des bêtes de caractère. Quand j’achète un taureau, je préfère cent fois un jeune veau qui tête, qu’un taureau soigné sur concours. Si tu vois un broutard qui tête à une grosse vache, que le veau est lourd à 5-6 mois, c’est que la mère a du lait, que le veau a grandi tous les jours et qu’il est en bonne santé.

Je choisis aussi une sélection au niveau du troupeau plutôt que de me focaliser sur un individu. Un jour, un de mes amis sélectionneurs a dit : « Pour obtenir des animaux exceptionnels, il faut savoir pardonner! Si un animal a une qualité exceptionnelle mais aussi un gros défaut, il faut malgré tout l’utiliser pour faire avancer la race. Cela a été vrai au moment où il a fallu amener de la viande. Mais maintenant, mon optique est opposée à celle-là. Je me fiche d’avoir une animal extraordinaire si à côté, je dois supporter un déchet. La rentabilité d’un troupeau est liée à la performance moyenne des animaux et non à celle de son meilleur animal. Pour moi, un crack, c’est un taureau qui fait des veaux réguliers, sans ennuis et avec une bonne croissance. Dans cette optique, j’ai beaucoup utilisé ces dernières années Obligeant, Nayakou, Ganache et Neptune. Ces anciens têtards sont issus d’élevage avec des lignes de conduite depuis des décennies, ils sont faciles d’utilisation et ont des super index poids-carcasse. D’ailleurs, leurs fils sont efficaces en troupeau. Mercator et la nouvelle génération de la gamme Fabroca devraient obtenir des résultats similaires à l’avenir. Maintenant, je mise beaucoup Happy d’Hontoir et Playboy, un fils de Giga né en Angleterre, qui remonte à une génisse vendue par ma famille dans les années 80. Les éleveurs de BBB en Angleterre ont la même philosophie que moi car leur gagne-pain est la vente de taureaux reproducteurs.

Un autre critère de sélection important est la facilité d’entretien. J’essaye de sélectionner des femelles qui s’entretiennent au pré sans complément. C’est le rôle du bovin dans la nature. S’il se comporte comme un monogastrique seulement capable de transformer des aliments concentrés, le blanc bleu coûte trop cher. Un dernier aspect dont il faudra tenir compte à l’avenir est la qualité de la viande. Certains chevilleurs commencent à avoir peur des animaux extrêmes qui ne se couvrent plus de graisse en finition et qui produisent une viande trop sèche. Ce sont aussi ceux-là dont les engraisseurs disent qu’ils mettent trop longtemps à se finir.

Avec Fabroca, j’ai commercialisé la philosophie d’élevage de mon père et j’ai été aidé par ses 2 taureaux qui ont fait le plus connaître le centre : Dafydd et Empire. Mes clients ne sont pas souvent des gens de concours, ce sont des engraisseurs et des éleveurs qui font beaucoup de vêlages et où la ferme doit être rentable dans une optique de production de viande. Maintenant que Fabroca a acquis une certaine taille, on essaye d’avoir un peu toutes les gammes de taureaux. Mais ma philosophie de base, ce ne sont pas les taureaux super viandeux. Les éleveurs qui viennent au Bois Remont veulent un taureau qu’ils savent mettre sur un peu tout, qui saute, qui remplit et qui grossit bien. »

Que penses-tu de la consanguinité ?

Benoît : « Pour l’avenir du blanc bleu, je me demande quand même si on ne devra pas trouver une solution pour amener un peu de sang neuf. Il y a 10-15 ans déjà, grâce à l’aide de Josiane Devlieger de l’AWE, j’avais fait une petite étude sur les taureaux phares des quatre centres. J’avais choisi Adajio, Impérial, Kilowatt et Panache, quatre taureaux qu’on pense différents au niveau des origines. Si on remonte les pédigrées de ces quatre taureaux, très loin, en moyenne ils avaient six fois Galopeur, cinq fois Opticien et quatre fois Riant. J’ai remarqué dans ma ferme que parmi les veaux qui vont le mieux, je trouve souvent ceux qui ont un peu de sang français. Lorsque l’on amène un peu de sang neuf, d’un point de vue fonctionnel et croissance, cela fait du bien. Personnellement, je serais pour un herd-book plus ouvert. On continue dans le culard et on ne s’ennuie pas avec les couleurs. Si un taureau est typé culard mh/mh avec un pédigré connu, pourquoi ne pas l’incorporer pour élargir et donner de l’air. D’ailleurs, dans les fermes les plus performantes en production de viande, c’est loin d’être toujours du pur blanc bleu. »

Que penses-tu des concours ?

Benoît : « Quand j’étais gamin, je vivais pour les concours. Je brossais l’école pour aller au concours à Bruxelles et dormir sur place avec mon père. Je me rappelle de souvenirs d’enfance aux concours où j’apparaissais dans le Sillon, haut comme trois pommes, en train de remonter les poils. J’ai grandis dans cette atmosphère. Quand mon grand-père a commencé, il a amené de la viande à une époque où peu de gens en voulait. Après, il faisait quasi chaque année un ou l’autre championnat à Hannut dans les années 60-70. Dans les années 80-90, mon père a abandonné les concours pour sélectionner du gros et du rustique, car dans les concours, ils étaient à fond dans les petites boules et nous ne voulions pas cela, nous voulions des grandes bêtes d’élevage. »

Un taureau et une vache qui ont marqué ton élevage ?

Benoît :  » Deux vaches : Baltique d’Ochain, c’était une Matelot de St Fontaine et Hilarité d’Ochain. Baltique était une vache que mon père m’a donnée quand je me suis installé ici. Je l’ai récoltée pour mettre des embryons sur les vaches de la ferme du Bois Remont. Maintenant, au moins 25% de mes bêtes descendent de cette vache-là, dont Oryx et Pythagore. Tous les taureaux qui descendent de cette bête-là, je les vends pour l’élevage. C’était une bête hyper rustique, qui a produit des animaux très fonctionnels et des vaches très maternelles. Elle est partie à 13 ans après avoir fait des jumeaux. D’ailleurs, je viens de racheter à mon ami Marc Seutin Socrate du Bois Remont, un de ses descendants avec Nayakou, fils d’Hilarité. Hilarité est issue de notre meilleure ligne, autant en gabarit qu’en conformation. Sa grand-mère est la dernière avec laquelle nous sommes allés au National et son arrière-grand-mère était sur le podium de Libramont et Bruxelles. Hilarité a donné elle-même 7 fils dont Kaki et Nayakou. Les 5 autres ont fait carrière en ferme. Malheureusement, pas une seule fille d’Hilarité…mais avec ses descendants Kaki, Puissant, Mercator, Nayakou, Rufus, tous des Kings du poids-carcasse, et bientôt Socrate…je crois qu’elle aura fait du bon boulot pour le BBB.
Pour le taureau, c’est incontestablement Istamboul de l’Orgelot…il est dans tout ! »

Un taureau et une vache qui ont marqué la race?

Benoît : « Si on démarre dans les années 60, il y avait Ganache et Valseur. Dans les années 70, il y avait Xénophobe, Lancier du Tilleul et Beaujolais. Dans les années 80, il a eu le fameux trio Galopeur, Opticien et Riant. Dans les années 90, il y avait Radar, Brutal et Lasso. Dans les années 2000, il y a eu Empire, Impérial et Panache. Sinon, les deux vaches qui ont le plus marqué leur époque sont Elsa et Davina, on les retrouve dans tous les pédigrées…mais j’aimerais aussi citer Elancée du Vanova qui a un gêne de géant transmis à Gitan, Giga et Nayakou. J’adorais cette grande vache très élégante qui avait un pis magnifique. C’est la seule dont j’ai acheté des embryons et cela a donné Giga, une lignée dont on reparlera… »

Comment tu vois le BBB dans 15-20 ans ?

Benoît : « Ce que je crains le plus, c’est la remise en cause de la césarienne…qui ne pose pourtant aucun souci et qui est une grande facilité. Je ne crois pas au blanc bleu sans césarienne. Tu ne sais pas rattraper 60 ans d’abstraction de ce critère puis tout d’un coup revenir à un vêlage naturel. C’est le caillou dans la chaussure du blanc bleu. Hormis cela, nous avons une race qui a des atouts extraordinaires d’un point de vue environnemental, aspect très à la mode en ce moment. Nous avons une belle carte à jouer. Mais pour répondre à la demande des consommateurs avec une viande qui répond aux critères environnementaux, il faut revenir au veau au pis. Parce que la démarche de prendre du lait à la ferme, l’amener à l’usine, le déshydrater, le ramener en sac à la ferme, pour ajouter de l’eau chaude, ce n’est pas quelque chose que le citoyen consommateur apprécie. J’accueille des camps et des scouts pendant les vacances. Quand les gens voient les veaux qui tètent en prairie avec leur mère, ils me disent que c’est la nature, même que la viande est certainement bio. Ce n’est pas la même image que des veaux dans des niches. Donc pour ma vision dans 15-20 ans, si on veut préserver le blanc bleu, nous devons mettre en avant l’avantage environnemental du blanc bleu par rapport à ses conversions alimentaires et à son rendement carcasse. Et ce qui est sûr, c’est qu’au niveau de la musculature, nous avons atteint une limite qu’il n’est plus nécessaire de repousser. Je pense que quand on va plus loin, on a des problèmes fonctionnels, des problèmes de croissance et des problèmes de goût de viande. Au marché à Ciney, de plus en plus de gens commencent à avoir peur des bêtes trop culardes qu’ils ne savent plus finir. C’est tendance au concours, mais ce n’est plus cela qu’il faut.
Je crois qu’on a des supers atouts à mettre en avant principalement par rapport à l’impact environnemental, mais pour répondre à cette demande du consommateur d’avoir une viande qui respecte l’environnement, il faut avoir des bêtes qui doivent valoriser des aliments simples comme l’herbe ou des sous-produits comme les pulpes de betteraves. S’il faut faire des aliments complexes pour faire de la viande, ce n’est pas non plus écologique. Un bovin est d’abord un transformateur de produits bruts, comme la paille, le foin, les déchets de pomme de terre ou les pulpes de betterave, en un produit noble. Or, maintenant, on trouve parfois des bêtes qui maigrissent quand on les met en prairie.

Il faut être plus viandeux que les français car si c’est pour faire des bêtes comme les limousines ou les blondes d’Aquitaine, autant élever tout de suite ces races-là. Au marché de Ciney, il y a une marge significative entre les BBB et les autres. Pour perdurer, le blanc bleu doit avoir une image naturelle vis-à-vis du consommateur, on doit mettre en avant ses aspects environnementaux et fonctionnels. »

Quelque chose qui manque pour toi dans le blanc bleu ?

Benoît : « Des références par rapport à la fécondité et la qualité de la viande. Je pense que c’est un critère que l’on doit travailler. J’ai visité des fermes d’Angus en Australie. Il y avait un fermier qui avait organisé une vente de 200 taureaux, type criée, et pour chaque taureau était renseigné l’âge, le poids, la taille puis une série de 10 chiffres résultant d’échographies des muscles des taureaux, pour voir la répartition du gras dans la viande. Cela veut dire qu’ils travaillent dans la sélection sur la qualité de la viande au niveau du goût. Je pense qu’il y a du travail à faire à ce niveau pour le BBB.
L’aptitude à l’allaitement est un critère dont on ne tient pas assez compte. J’ai des copains qui essayent de revenir au veau au pis et ils me disent que quand on n’a pas sélectionné dans ce sens-là, c’est difficile. Chez moi, pendant que le vétérinaire termine la césarienne, je trais la vache et je donne un biberon au veau. Après, 8 fois sur 10, je ne touche plus au veau. Je suis bien équipé avec des loges une mère-un veau et le veau se débrouille tout seul.

Un jour peut-être, la génomie sera source de progrès sur ces critères. Par contre, le nouveau monopole opéré sur le système génomique est une aberration ! Tu es membre de l’association, tu paies tes impôts, tu paies ta cotisation et tu ne peux pas connaître la génomique des veaux qui naissent chez toi. Donc si j’ai un bon veau qui sort au point de vue génomique, je ne peux pas le savoir. C’est scandaleux !
Je pense que si on ne corrige pas le tir, dans trois ans, les petits centres vont fermer boutique. En effet, le critère principal sur le marché international du croisement est la facilité de vêlage. Actuellement, pour avoir des chiffres sur la facilité de naissance, il faut que le taureau ait 2,5-3 ans et en attendant le taureau en question a fait un paquet de doses, tout ça coûte de l’argent. Si cela s’avère vrai, avec la génomique, un taureau de 12 mois pourrait avoir des index comme si ce taureau avait déjà fait 500 veaux, cela fait une sacrée différence ! C’est une concurrence terriblement déloyale. Tout ça payé par l’université, la Région Wallonne et les cotisations des éleveurs. Eleveurs qui n’ont pas leur mot à dire et qui n’en reçoivent aucune retombée!

Ce qui est sûr, c’est que dans le Blanc Bleu, il faut préserver la diversité. Personne ne détient la vérité absolue. C’est la coexistence et la concurrence entre opinions différentes qui fait la richesse de la race.

Le point de vue avisé de Léo Cassart

Léo : « Le type viandeux date des années 50, car à cette époque il y a eu une croissance terrible de la consommation de viande, alors que la consommation de lait était restée statique. Nous avions des animaux à deux fins, mais le lait ne rapportait pas assez par rapport à la viande, donc il fallait plus de viande que de lait. Certains ont orienté le Blanc Bleu vers plus de production de viande et moins de lait. Au départ, nous avions des contraintes minimum en production de lait. C’était une fameuse contrainte de ne pas pouvoir inscrire le veau d’une super vache car elle n’avait pas rendement laitier suffisant. Heureusement, nous avons assez tôt abandonné cette façon de voir les choses en scindant la race en deux rameaux : mixte et viandeux.

Le Blanc Bleu est une bête extraordinaire qui s’adapte merveilleusement à ce qu’on lui demande. Mais je trouve qu’à une certaine époque, on a dépassé les limites. On lui a demandé ce qui était impossible : d’être hypertrophiée sur le plan viandeux, d’avoir suffisamment de kilos, de garder de la fécondité et de la rusticité, soit des incompatibilités. Je me suis donc marginalisé par rapport à la sélection officielle que je désapprouvais. A une certaine époque, le concours a presque tué à la race. Le concours ne correspondait plus à l’économie réelle. Tu élèves des bovins pour avoir de l’économie, pour en vivre. Mais on a poussé le bouchon trop loin : on n’a pas assez tenu compte d’un taux de mortalité trop élevé ou d’un taux de fécondité trop bas par exemple…

Elever des veaux à la poudre de lait alors qu’on ne valorise pas le lait de leur mère, c’est un peu limite. Beaucoup d’exploitations fonctionnent ainsi, et je ne dis pas que du point de vue pratique, ce n’est pas justifié dans certains cas mais ce que je regrette c’est que cela a parfois permis à des veaux incapables de boire naturellement, de survivre grâce à ces méthodes et même d’intégrer la sélection. On s’est trop éloigné de la sélection naturelle ! Pareil pour la fécondité : si un taureau n’est plus capable de remplir les vaches en prairie, ils ne doit pas se reproduire.
C’est pour cela que je dis que le concours ne correspond plus à l’économie actuelle et qu’il devrait être revu. J’avais déjà proposé que des animaux devraient pouvoir être refusés pour excès de viande. On m’a pris pour un fou ! L’excès de viande devrait être pénalisé comme le manque de viande. Il faut quand même avoir une vision à long terme : faire se reproduire des animaux qui ne sont pas capables de se nourrir naturellement ou qui ne sont pas capables de saillir naturellement, c’est prendre un risque.
Nous avons de la viande assez, maintenant il faut apporter des correctifs. On n’a pas regardé assez à la longueur. La longueur est une qualité importante. Quand je me promène dans la région, je trouve que les bêtes sont toujours plus courtes. On ne sait rien faire avec des bêtes courtes, elles ne pèsent pas. Je préfère une longue qu’une haute…même si l’un et l’autre sont très souvent liés.

Les temps ont changé… à l’époque mon père voulait la viande et maintenant nous disons qu’ils sont trop loin dans la viande. N’empêche que quand Valseur est apparu, il y avait déjà la césarienne. La césarienne est apparue en 1952-1953 et Valseur date de 1964. Il était d’un gabarit démesuré pour l’époque, il pesait entre 1200 et 1300 kg, et Ganache pesait 1100 kg maximum. C’est le duo de départ. Valseur était beaucoup plus rustique que Ganache. Ganache était plus fin, très rond de côte et plus culard. Valseur est allé au centre de Loncin puis a été revendu du centre de Loncin au centre de Mons, ce qui était rare à l’époque. A cette période, on n’utilisait beaucoup de sperme non congelé, donc la distribution à grande échelle était compliquée. Il fallait que les inséminateurs soient proches du centre. Et comme les centres avaient leur territoire, ils n’étaient pas concurrents entre eux sur le terrain. Si tu habitais la province de Liège, tu ne savais pas avoir un inséminateur de la province de Namur. Les centres provinciaux étaient par contre concurrents pour l’achat des taureaux et en fonction des choix d’achat, on a connu des types de BB différents en fonction des régions. C’est ainsi que pendant longtemps, le type du Hainaut est resté plus grand et moins viandeux que le type Liégeois. Tout cela s’est estompé avec le temps mais aujourd’hui on retrouve cette diversité des élevages en fonction du distributeur de paillettes choisi. La liberté de choix des éleveurs est essentielle pour la pérennité de la race « 

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