POLITIQUE

25 ans du MCC à Bastogne : pour Gérard Deprez, il faut « ramener d’urgence le malandrin » Crucke à la raison

Un aréopage de personnalité politique à la fête à Gérard. D.R.

Lors de la fête à Gérard Deprez organisée à Bastogne pour célébrer les 25 ans du MCC, le fondateur du Mouvement des citoyens pour le changement (MCC), aujourd’hui amarré au MR, a eu des mots durs à l’égard de Jean-Luc Crucke, l’ancien ministre wallon du Budget (MR) qui semble mener une guerre ouverte contre son président de parti, Georges-Louis Bouchez. Gérard Deprez a dénoncé une « campagne fâcheuse menée par un malandrin du Hainaut occidental qu’il faut ramener d’urgence à la raison ». La fête a rassemblé un aréopage de personnalités tant du MR (Georges-Louis Bouchez, Charles et Louis Michel, les ministres Willy Borsus et Valérie Glatigny, etc.) que des Engagés (Benoît Lutgen, Joëlle Milquet). Sans compter de nombreux membres des deux partis.

Les organisateurs de la « fête à Gérard » ont visé juste. En choisissant de marquer les 25 ans de la fondation du Mouvement des citoyens pour le changement (MCC), aujourd’hui amarré au MR avec la mise à l’honneur de son initiateur, Gérard Deprez (78 ans), ils ne se sont pas trompés vu le nombre de participants à la fête. Ils étaient plus de 300 personnes, rassemblées samedi dans les infrastructures de l’Institut Notre-Dame Séminaire (Indsé) à Bastogne, là-même où l’ancien président de l’ex-PSC avait fait ses humanités. Mais ce samedi 18 juin à 12:30, il n’est point question de cours scolaires, mais plutôt de réjouissances marquées par des interventions de compagnons de route ou d’ami(e)s venus célébrer un grand nom de la politique belge. La journée a d’abord commencé par une réunion du  « Parlement des Animateurs du MCC consacrée à une réflexion sur la situation réelle de la Wallonie et sur la stratégie à mettre en place pour améliorer ses performances ».

Un parcours qui en a inspiré plus d’un

Le député européen et bourgmestre de la localité, Benoît Lutgen (Les Engagés), ancien président du cdH (ex-PSC) a salué « un enfant du pays », doté d’une grande « force de travail » et qui, dans sa carrière a toujours fait preuve de « bienveillance à l’égard de tout un chacun. Il est revenu sur le passé douloureux de Gérard Deprez dont le père et l’oncle ont été fusillés à Bastogne par les Allemands en 1944 pendant la deuxième Guerre mondiale, un événement tragique qui a forgé le caractère du « géant » Deprez au « cœur de lion » (son totem chez les scouts), un humaniste et un européen convaincu. « Son parcours a inspiré chacune et chacun », a conclu Benoît Lutgen en rappelant les 15 ans de Gérard Deprez à la présidence de l’ex-PSC jusqu’à son exclusion du parti socio-chrétien pour créer le MCC en 1998.

On n’exclut pas quelqu’un qui a donné sa vie au parti.

Première présidente du MCC, Nathalie de T’Serclaes a rappelé le combat de Gérard Deprez pour défendre le lancement d’un grand mouvement rassembleur au sein de l’ex-PSC, mais en vain. Cette détermination lui a valu son exclusion. « On n’exclut pas quelqu’un qui a donné sa vie au parti. Quand il a une idée dans la tête, il ne faut pas essayer de lui faire changer d’avis. C’est peine perdue », a-t-elle rappelé en substance, rappelant au passage les traits de caractère de l’Ardennais qu’est Gérard Deprez : « une ardeur d’avance, résiste et mort ». Pour elle, le MCC doit son arrimage réussi à l’ancien ministre des Affaires étrangères et ancien commissaire européen, Louis Michel (MR).

Louis Michel émerveillé par Gérard Deprez

Louis Michel se souvient d’un homme politique qui l’émerveillait. « Il est plus grand que moi, plus brillant aussi. C’est un débatteur redoutable », raconte-t-il, préférant parler sans micro afin d’éviter l’écho, déclenchant au passage un sourire amusé de la salle. Face à Gérard Deprez, il était obligé de réagir, mais les deux hommes ont fini par renoncer à cette « querelle stupide » pour faire cause commune. Ils étaient convaincus que tant que la Wallonie vivrait sous la domination des socialistes, aucune évolution positive ne serait possible, analyse Louis Michel en substance. « Les choses n’ont guère changé aujourd’hui », envoie-t-il sous forme d’un murmure. En 50 ans de carrière politique, il dit avoir rencontré des gens exceptionnels, mais il confesse avoir trouvé en Gérard Deprez un homme d’une « intelligence hors-norme. Il aurait pu être Premier ministre ou vice-président de la Région wallonne. Je lui ai proposé un poste de ministre, il a osé le refuser, estimant qu’il y a trop de ministres et que ce n’est pas ce qu’il veut ».

J’ai proposé un poste de ministre à Gérard Deprez, il a osé le refuser, estimant qu’il y a trop de ministres et que c’est pas ce qu’il veut.

Invitée par le maître des horloges, le député Michel De Maegd (MR), à prendre la parole, Joëlle Milquet, ancienne présidente du cdH, a rendu hommage à « un chef, un leader et un chef » qui a « le sens des responsabilités, de l’effort et de l’amitié ». Elle a salué le travail réalisé par Gérard Deprez à la tête du pays, lui permettant d’atteindre 20% de votes dans les élections, ce que personne n’a jamais pu réaliser après lui.

Témoignage du Français François Bayrou

Des témoignages enregistrés ont été diffusés sur écrans, notamment celui du Français François Bayrou pour qui Gérard Deprez est un des hommes politiques pour qui il a de l’estime et un des plus grands connaisseurs de la politique française.

Dans la salle, les applaudissements ponctuent les témoignages des uns et des autres. Puis, c’est le tour du président du MR, Georges-Louis Bouchez, l’homme qui tweete plus vite que son ombre. Dans un discours improvisé, mais tout en finesse et inspiré, il décrit Gérard Deprez comme un « artiste de la politique », mue par le combat d’idées plutôt que par la course à un maroquin ministériel. Celui qui a compris assez tôt que la Wallonie ne pourrait se relever sans changement de mentalité et tant que les socialistes y auront la majorité. « C’est le meilleur analyste politique, direct et juste. Il n’est pas animé par les petits calculs personnels et pour lui, le projet dépasse n’importe quel intérêt individuel », résume Georges-Louis Bouchez avant d’offrir un bouquet de fleurs à l’élue du cœur de Gérard Deprez qui le soutient depuis de nombreuses années. Mais avant de conclure, il a rappelé que le fondateur du MCC fait partie des rares personnalités politiques à se voir octroyer le titre de ministre d’Etat sans avoir été ministre !

Il n’est pas animé par les petits calculs personnels et pour lui, le projet dépasse n’importe quel intérêt individuel.

Puis ce fut le tour de la nouvelle présidente du MCC, la députée Marie-Christine Marghem, présentée par le député De Maegd comme « la calamity Jane, toujours prête pour dézinguer les Ecolo ». Elle décrit la relation d’amitié et d’admiration qu’elle entretient avec le fondateur du mouvement. « Il a une mémoire exceptionnelle », mentionne-t-elle avant de se lancer dans une comparaison de Gérard Deprez qui dépasse les 5 points qu’elle a annoncés dans son discours. Pour elle, si le fondateur du MCC était un « astre, ce serait le soleil ; un arbre, un pommier ; un chant, minuit chrétien ; une œuvre musicale, les 4 saisons de Vivaldi ; un poème, « Mon père, ce héros au sourire si doux » de Victor Hugo ; une phrase exceptionnelle, « le pire n’est jamais sûr, mais il est toujours possible » ; un monument, la cathédrale de Séville, un Dieu, non, un homme ! », a-t-elle conclu sous les applaudissements de l’assemblée.

Gérard Deprez fustige l'attitude de l'ancien ministre wallon, Jean-Luc Crucke à l'égard de son président de parti, Georges-Louis Bouchez. D.R.

Naturellement belge et viscéralement européen

Sous la verrière où se tiennent les témoignages, le soleil réchauffe la salle plus que de raison, personne ne s’en plaint. Mais la faim commence à se faire sentir.

C’est un Gérard Deprez « embarrassé et touché » qui prend la parole en dernière position. Il avoue n’avoir jamais imaginé pareils témoignages de son vivant. Celui dont la philosophie de vie se résume en une phrase qui sonne comme une épitaphe « on n’est rien sans les autres » remercie notamment celle qui préside désormais aux destinées de son mouvement et lui sait gré de ne pas l’avoir mis dans un placard comme le font généralement les héritiers d’un mouvement ou d’un parti. « Je remercie Marie-Christine Marghem de m’avoir donné la clé du placard », dit-il, déclenchant un sourire dans la salle, se présentant comme une « vieille canaille comme son ami Louis Michel », résolument « centriste, naturellement belge et viscéralement européen ». Sans pour autant citer l’ancien ministre wallon du Budget, Jean-Luc Crucke (MR), engagé dans une guerre ouverte contre son président de parti, Gérard Deprez dégaine. Il fustige « une campagne fâcheuse menée par un malandrin du Hainaut occidental qu’il faut d’urgence ramené à la raison ». Avant de conclure son discours en paraphrasant une citation de Guillaume d’Orange-Nassau en estimant qu’« il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour continuer ».

Une fois les discours terminés, vers environ 15h, c’est l’heure du repas dans la grande salle de l’Indsé, agrémenté par l’orchestre du chanteur-humoriste liégeois, Pierre Theunis. Il a régalé l’assistance de ses reprises et créations.