piège à microbesPlus écolo, « doux » et « élégant », le mouchoir en tissu fait son retour

Plus écolo, « moins irritant » et « élégant », le mouchoir en tissu fait un retour étonnant

piège à microbesRingardisé et jugé peu hygiénique, le mouchoir textile avait quasiment disparu des foyers. La production est relancée par plusieurs entrepreneurs motivés par le mauvais bilan écologique des mouchoirs jetables
Camille Guidez, dirigeante de Demay Manufacture, fait fabriquer ses mouchoirs autour de Cholet, comme à la grande époque.
Camille Guidez, dirigeante de Demay Manufacture, fait fabriquer ses mouchoirs autour de Cholet, comme à la grande époque. - F.Brenon/20Minutes / 20 Minutes
Frédéric Brenon

Frédéric Brenon

L'essentiel

  • Ringardisés par le succès des mouchoirs en papier jetables, les mouchoirs en tissu, autrefois incontournables, ont peu à peu disparu des rayons.
  • Plusieurs sociétés ont toutefois décidé de relancer une production française.
  • Les clients sont au rendez-vous, y compris des jeunes.

On aimerait s’en passer. Après un début d’automne exceptionnellement chaud, le retour du temps froid et humide favorise la réapparition des rhumes et autres virus synonymes de goutte au nez. Et ça risque de durer quelques mois, sans compter les allergies printanières. Pour la plupart des Français, le réflexe est de piocher dans un paquet de mouchoirs en papier. Plus de 500 mouchoirs jetables seraient ainsi utilisés par an et par personne, soit plusieurs milliards finissant à la poubelle chaque année dans l’Hexagone. Le bilan écologique n’est pas formidable, notamment parce que la fabrication du fameux mouchoir en cellulose popularisé par l’Américain Kleenex est très consommatrice en eau et qu’il est généralement emballé dans un film plastique.

Mais une alternative, bien connue des plus de 50 ans, est en train de refaire surface : le mouchoir en tissu. Autrefois incontournable en poche, le carré de coton avait été ringardisé à partir des années 1990, au point de quasiment disparaître des foyers. Son usage restait limité à un public de seniors ou au marché de luxe, à l’image de la marque Simonnot-Godard, parfois davantage pour être arboré au veston que pour être porté aux narines. Sauf que, depuis quelques années, les ventes repartent à la hausse. La « prise de conscience écologique » a en effet incité des nouveaux acteurs (Le Mouchoir français, Ernest & Lulu, TSHU, Demay, La Fabrique du mouchoir…) à relancer la production. Des fabricants de linge maison ont aussi remis le mouchoir textile à leur catalogue.

« On peut le garder indéfiniment »

Lancée en 2016, la société Le Mouchoir français est l’une des premières à avoir capté la tendance. « C’était le bon moment, les consommateurs s’intéressaient de plus en plus au zéro déchet et à l’économie circulaire. Il y avait forcément quelque chose à améliorer pour les mouchoirs. Le problème, c’est que le savoir-faire français n’était plus là. Il a fallu remonter toute une filière », explique Mathieu Maisonnial, cofondateur de la marque. L’entrepreneur rassemble alors différents partenaires, contractualise avec un atelier dans les Deux-Sèvres. Vendus de 8 à 30 euros l’unité, ses mouchoirs imprimés de coton bio séduisent rapidement une nouvelle clientèle, dont une majorité de moins de 40 ans. « La dimension écologique et l’attirance pour le Made in France fonctionnent bien sûr, mais il y a aussi le côté romantique, madeleine de Proust, cet objet auquel on a un attachement et qu’on garde dans sa poche, raconte Mathieu Maisonnial. Et puis il y a l’achat cadeau. La personnalisation plaît particulièrement, que ce soit pour les naissances ou les anniversaires. »

Des modèles de mouchoirs de coton bio produits par Le Mouchoir français.
Des modèles de mouchoirs de coton bio produits par Le Mouchoir français. - LMF

C’est en visitant le musée du textile de Cholet (Maine-et-Loire), capitale française du mouchoir mais qui ne compte plus aucun fabricant depuis 2002, que Camille Guidez a eu, elle aussi, l’idée de passer à l’action. Demay Manufacture, sa marque, a vu le jour en décembre 2021 et collabore, comme un symbole, avec trois ateliers installés autour de Cholet. Les dessins sont brodés, le tissu se veut « très qualitatif ». Tarifs : 25 euros pièce en moyenne. « Ça peut paraître cher mais c’est un article élégant, on est loin du mouchoir à carreaux de grand-père, assure Camille Guidez. On peut aussi le garder indéfiniment. Je m’inscris complètement dans la continuité des tissus démaquillants, des couches lavables et autres culottes menstruelles réutilisables. »

« La plupart des mouchoirs en papier sont remis dans la poche »

Reste la question de l’hygiène, principal argument opposé par les partisans du jetable. Est-il vraiment souhaitable de plonger son nez dans un mouchoir déjà chargé de miasmes ? « Un mouchoir en tissu n’est pas plus hygiénique, c’est vrai, affirme Mathieu Maisonnial. Mais il faut voir aussi que la plupart des mouchoirs en papier sont remis dans la poche puis réutilisés. Donc à partir de là il n’y a pas de différence. Le tissu aurait même l’avantage d’être plus épais. » « La matière textile est plus douce, beaucoup moins irritante, que le papier, considère également Camille Guidez. Rien n’oblige à réutiliser un mouchoir fréquemment, on peut aussi le mettre au panier de linge sale tout de suite. Il y a beaucoup plus de personnes qu’on ne le croit qui en utilisent. Elles en sont généralement très contentes et ne sont pas moins hygiéniques que les autres. Moi, j’ai toujours une petite boîte de mouchoirs en tissu à disposition à la maison. »

En croissance régulière depuis son lancement, le Mouchoir français voit ses ventes progresser cette année de 42 % par rapport à 2022, tandis que Demay Manufacture revendique une hausse annuelle de 25 %. Signe que le renouveau du mouchoir textile est toutefois encore fragile, la société rennaise La Fabrique du mouchoir, lancée en 2020 en pleine crise Covid, a été contrainte de cesser son activité deux ans plus tard faute de rentabilité. Le modèle économique de Demay Manufacture passe aussi par la vente d’autres produits de linge. « Je pense tout de même que le marché va continuer de progresser. Ça passera peut-être par son arrivée en grande surface. Je suis convaincue qu’on en verra de plus en plus dans les rayons », pronostique Camille Guidez. Mathieu Maisonnial y croit dur comme fer lui aussi. « Il y a un intérêt réel pour le produit et son image est en train de changer. Nous ne sommes qu’au début du changement. »

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