Politique de la santé

Document d'Introduction sur l'adaptation de l'offre de soins aux besoins des personnes en situation marginale

par le Professeur Jean-Daniel Rainhorn

Ce document vise � introduire la discussion du groupe de travail en pr�sentant certaines des questions qui sont normalement examin�es lorsque l'on �tudie les effets de la pauvret� sur la sant� et la pertinence des diverses strat�gies. Il se fonde sur l'exp�rience de l'auteur.

Informations g�n�rales:

Au cours des vingt derni�res ann�es, deux facteurs historiques ont consid�rablement chang� les conditions de vie des m�nages en Europe. Dans la majorit� des pays de l'Union europ�enne et des pays occidentaux, la crise �conomique qui a d�but� au milieu des ann�es 70 a provoqu� une forte mont�e du ch�mage et des in�galit�s sociales ayant des effets mesurables sur la sant� de la partie la plus vuln�rable de la population. Dans les pays ex-socialistes, le syst�me d'�conomie � planification centralis�e qui s'est effondr� au cours des ann�es 80 a laiss� une grande majorit� de la population dans l'incapacit� de pourvoir � ses besoins de base. On peut estimer que plus de 200 � 250 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvret� en Europe11( environ 15% de la population des pays de l'Union europ�enne et, selon diverses estimations, 40 � 80% de la population de la majorit� des pays d'Europe centrale et orientale). De plus, d'apr�s certaines estimations, environ 50 � 100 millions de personnes vivent juste au-dessus du seuil de pauvret� et risquent en permanence de perdre leur travail et de glisser vers la pauvret�. On peut donc estimer que 30 � 40% de la population vivant sur le continent europ�en n'ont pas actuellement les moyens de satisfaire leurs besoins fondamentaux22 . Ce ph�nom�ne affecte tout particuli�rement deux groupes de la population i) une partie importante des jeunes �g�s de 16 � 30 ans, en particulier des hommes dont le taux de ch�mage est �lev� et dont le taux de mortalit� ne cesse d'augmenter, et ii) une proportion importante de personnes �g�es qui touchent une pension insuffisante, surtout dans les pays ex-socialistes. Au cours des dix derni�res ann�es, les m�dias ont mis l'accent sur l'exclusion, l'aspect le plus visible de la pauvret� qui ne cesse de cro�tre en Europe, mais qui affecte sans doute un peu moins de quelques millions de personnes. Bien que ces situations soient inacceptables, l'image des sans-abri ne devrait pas cacher un ph�nom�ne plus important – la pauvret� et la pr�carit� - qui touche chaque jour des centaines de millions d'Europ�ens qui risquent en permanence de basculer dans l'exclusion.

Lorsque l'on examine l'�tat de sant� d'une population, il y a lieu de garder � l'esprit les diff�rents concepts relatifs � la sant�. D'une part, on peut entendre par sant� l'absence de maladie d'apr�s la d�finition donn�e par la m�decine � travers l'histoire. D'autre part, la sant� peut �tre con�ue comme "un �tat de complet bien-�tre physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmit�"33 ou m�me d'un point de vue plus dynamique comme la capacit� pour chaque �tre humain d'identifier et d'atteindre ses ambitions, de satisfaire ses besoins et d'�tre capable de s'adapter � son environnement"44, l'absence de maladie �tant un seul des aspects. Tous ces concepts ont diverses implications lorsque l'on d�finit les actions requises pour am�liorer la sant�. Si la pauvret� et les in�galit�s sociales sont consid�r�es comme les facteurs cl�s de la d�t�rioration de l'�tat de sant�, l'exp�rience montre que la derni�re d�finition est plus op�rationnelle que les autres lors de la formulation et de l'application de strat�gies visant � limiter leurs effets sur la sant�. Il convient d'utiliser non seulement des indicateurs classiques mais aussi des indicateurs capables de mesurer divers facteurs sociaux influant directement ou indirectement l'�tat de sant�.

Le d�veloppement de nouvelles in�galit�s sociales, l'augmentation du nombre de personnes risquant de glisser vers la pauvret� et l'exclusion ainsi qu'une �galit� r�duite de l'acc�s aux soins de sant� affectent d�j� l'�tat de sant� d'une partie importante de la population en Europe. Bien que cette situation soit diff�rente dans les pays d'Europe occidentale et ceux d'Europe centrale et orientale, les changements dans les in�galit�s en mati�re de sant� concernent l'ensemble des pays puisqu'ils repr�sentent de nos jours une grave menace pour l'avenir de la sant� de la partie la plus vuln�rable de la population europ�enne et en particulier des jeunes. Dans les pays occidentaux, l'�cart des groupes d�munis et des groupes privil�gi�s en mati�re de sant� ne cesse de s'accro�tre comme cela55 66a �t� de nos jours prouv� dans de nombreux pays. En Europe centrale et orientale, l'esp�rance de vie � la naissance a diminu� dans les ann�es 80 et 90 et s'est r�cemment stabilis�e dans la majorit� des pays. De nos jours, on sait fort bien que la violence, les accidents et le suicide figurent au nombre des causes les plus fr�quentes de la morbidit� et de la mortalit� des jeunes hommes ( et repr�sentent plus de la moiti� des ann�es potentielles perdues dans la F�d�ration de Russie77), elles s'accompagnent d'une augmentation r�guli�re de l'abus de drogues, de l'alcoolisme, du tabagisme et du VIH/SIDA. En conclusion, apr�s un si�cle d'am�lioration constante de l'�tat de sant� en Europe, une situation nouvelle s'est d�velopp�e au cours des vingt derni�res ann�es: certaines cat�gories de la population sont aujourd'hui confront�es � la stagnation et m�me dans certains cas � une d�t�rioration de leur �tat de sant� qui se produit dans un contexte g�n�ral marqu� par la diminution du r�le de l'Etat qui jouait auparavant un r�le primordial dans l'�laboration de strat�gies d'am�lioration de la sant�. Le risque est grand de voir la situation se d�t�riorer et il ne devrait donc pas �tre sous-�valu�.

Terminologie et concepts de base

Lorsque l'on examine la question de la pauvret� et de la sant�, l'exp�rience montre que de fr�quents malentendus se produisent dans l'utilisation de certains termes et concepts. Du fait de la diversit� des origines g�ographiques des membres du groupe de travail et de la difficult� que la majorit� d'entre eux ont � s'exprimer dans une langue autre que leur langue maternelle,il convient, semble-t-il, de pr�ciser certaines d�finitions et certains concepts.

1. La question de la "population concern�e":

Exclusion:

Au sens juridique, il n'y a pas beaucoup de personnes exclues en Europe. Officiellement, seules les personnes qui r�sident ill�galement dans un pays n'ont pas le droit de b�n�ficier de la protection sociale. Or la situation a radicalement chang� au cours des dix derni�res ann�es et la d�finition de "l'exclusion" a �t� �tendue aux cat�gories suivantes8:

- Les personnes "sans" : personnes vivant dans un pays sans documents officiels, sans logement permanent, sans �tre enregistr�es au secteur social appropri�, etc.

- Groupes vuln�rables tels que: toxicomanes, d�tenus, prostitu�s, jeunes ayant quitt� leurs familles, etc.

- Hors cat�gories: quelques personnes n'appartenant � aucun groupe social, par exemple de jeunes ch�meurs, des groupes de migrants ( tsiganes), r�fugi�s, etc.

- La d�finition couvre de nos jours une grande proportion de la population, par exemple les personnes en risque d'exclusion qui vivent dans une situation tr�s pr�caire sur le plan socio-�conomique, domestique ou du logement.

- Ces situations sont difficiles � identifier et � cat�goriser car ces personnes h�sitent souvent � contacter les secteurs sociaux qui, � leur tour, ne sont d'ordinaire pas pr�par�s � prendre en compte les situations marginales. Toutefois, l'exp�rience montre que leur nombre ne devrait pas �tre sous-estim�.

Pauvret�:

La pauvret� est une d�finition �conomique. Diverses approches ont �t� propos�es pour mesurer la pauvret�. Les unes se fondent sur le concept de la pauvret� relative ( par exemple revenu inf�rieur de 50% aux revenus m�dians de chaque pays ou au revenu moyen des pays de l'Union europ�enne); d'autres se basent sur le concept de la pauvret� absolue. Selon ces d�finitions, on estime que 578 millions de personnes vivent dans des foyers pauvres dans les pays de l'Union europ�enne en 1996. Treize millions d'entre eux sont des enfants de moins de 16 ans. Dans de nombreux pays de l'Union europ�enne cette population est bien identifi�e puisqu'elle est prise souvent en charge par le secteur social. Des estimations quantitatives sont plus difficilement r�alisables dans les pays ex-socialistes.

"Pr�carit�":

Ce terme qui vient du fran�ais n'est pas encore familier dans les pays anglophones. La meilleure d�finition approuv�e de nos jours par la Commission europ�enne dans ses documents officiels 99 a �t� propos�e en 1987 dans le rapport officiel pr�sent� au gouvernement fran�ais 1010. La pr�carit� y est d�finie comme suit :"… l'absence d'une ou plusieurs des s�curit�s… permettant aux personnes et familles d'assumer leurs obligations professionnelles, familiales et sociales et de jouir de leurs droits fondamentaux. L'ins�curit� qui en r�sulte peut �tre plus ou moins �tendue et avoir des cons�quences plus ou moins graves et d�finitives. Elle conduit � la grande pauvret�, quand elle affecte plusieurs domaines de l'existence, qu'elle devient persistante, qu'elle compromet les chances de r�assumer ses responsabilit�s et de reconqu�rir ses droits par soi-m�me, dans un avenir pr�visible". A l'heure actuelle, dans chaque pays europ�en, des millions de personnes vivent dans la crainte permanente de perdre leur travail et leur logement et exposent leur famille � ce risque, m�me si elles n'appartiennent pas officiellement au groupe d�fini comme pauvre. Les contours de cette cat�gorie de la population sont souvent difficiles � appr�hender, mais il importe qu'elle b�n�ficie d'une forte politique sociale pour ne pas basculer
dans la pauvret�.

2. La question de la "pathologie sp�cifique":

On sait commun�ment que la pauvret� induit une pathologie sp�cifique. Mais, contrairement � l'opinion commun�ment admise, il y n'y a pas ou tr�s peu de pathologies induites par la pauvret�. Cette id�e a �t� tr�s bien document�e depuis le "Black report"1111 au Royaume–Uni, qui montrait que dans les cat�gories d�munies de la population il existait un gradient social marqu� pour toutes les causes de mortalit� et pour chaque cat�gorie d'�ge, sauf dans le cas de maladies sp�cifiques. En d'autres termes, les groupes d�munis de la soci�t� ont plus de chance de mourir des causes communes de mortalit� que les groupes les plus privil�gi�s. Des �tudes plus r�centes ont montr� que le foss� n'a cess� de se creuser au cours des vingt derni�res ann�es et que certaines cat�gories de personnes ont trois ou quatre fois plus de chances de mourir avant l'�ge de 65 ans que d'autres1212. Cet �cart croissant entre la sant� des plus d�munis et celle des plus privil�gi�s est d�sormais une grande source de pr�occupation pour la soci�t� occidentale.

3. La question des diff�rents types de syst�mes de sant�

Il existe plusieurs types d'organisation des syst�mes de sant� en Europe. Le secteur social ayant connu un d�veloppement historique sp�cifique, chaque pays de l'Union europ�enne a un syst�me de sant� qui couvre normalement les besoins d'une grande partie de la population. Dans ces pays, seules quelques personnes n'ont pas un acc�s juridique aux services de soins de sant� de base. Mais dans bon nombre de ces pays,les usagers doivent verser certaines cotisations, ce qui fait obstacle � un acc�s �quitable aux services de soins de sant�. Dans les pays ex-socialistes, toute personne a normalement acc�s aux services de soins de sant�. Mais par suite du manque de ressources, du faible revenu des professionnels de la sant� et de la p�nurie de produits pharmaceutiques, des cotisations sont aussi souvent vers�es aux prestataires de soins. Une grande partie de la population ne peut les payer et se trouve de ce fait exclue des services. Les descriptions des syst�mes de sant� tiennent normalement compte du niveau d'intervention de l'Etat dans l'organisation et le financement. Il existe � peu pr�s quatre types de syst�mes de sant� :

Le syst�me Semashko.

Ce syst�me est le mod�le qui a �t� mis en oeuvre dans tous les pays socialistes. Les services sanitaires appartenaient � l'Etat et les professionnels de la sant� �taient r�mun�r�s par l'Etat. Les services �taient normalement gratuits mais les patients devaient payer une somme forfaitaire pour certains d'entre eux comme par exemple les m�dicaments. Le syst�me Semashko fournissait un acc�s universel aux soins de sant�, n'excluant donc personne. Mais apr�s l'effondrement des r�gimes socialistes, la p�nurie des ressources financi�res a contraint un plus grand nombre de patients � augmenter leur contribution et ces derniers doivent donc d�sormais verser directement des cotisations aux prestataires de soins. A l'heure actuelle, le co�t des services de sant�, en particulier des m�dicaments, est si �lev� dans certains de ces pays qu'ils sont inabordables pour la majorit� de la population qui se trouve de facto exclue. Les d�penses nationales de sant� dans ces pays sont g�n�ralement peu �lev�es (2-3% du PNB).

Le syst�me Beveridge :

Ce syst�me a �t� mis en oeuvre pour la premi�re fois en Grande Bretagne juste apr�s la deuxi�me guerre mondiale. C'est un syst�me financ� par les imp�ts avec un fort contr�le de l'Etat et la participation du march� priv� � c�t� des services publics. Bien que ce concept repose sur le principe de l'universalit�, il a �t� prouv� que d'importantes in�galit�s subsistent dans le domaine de la sant� entre les diff�rentes "classes sociales" de la population. Ce syst�me a �t� mis en oeuvre avec quelques diff�rences au Royaume-Uni, en Irlande, dans les pays nordiques et plus r�cemment en Europe du Sud, notamment en Espagne, en Italie et au Portugal. Le syst�me Beveridge est consid�r� par les patients comme bureaucratique et non convivial, mais est reconnu comme un des plus efficients sur le plan des co�ts. Les d�penses nationales de sant� de ces pays constituent en moyenne 6 � 8% du PNB.

Le syst�me bismarckien:

Mis en oeuvre � l'origine en Allemagne, le syst�me bismarckien s'est implant� apr�s la deuxi�me guerre mondiale dans d'autres pays de l'Union europ�enne comme la France, la Belgique, les Pays-Bas et le Danemark. Ce syst�me se fonde sur un r�gime d'assurance maladie obligatoire contr�l� par l'Etat avec une couverture suppl�mentaire fournie par de soci�t�s d'assurance � but lucratif et sans but lucratif. Les services de sant� rel�vent � la fois du march� priv� et du secteur public. Les m�decins g�n�ralistes, les sp�cialistes, les pharmaciens et les dentistes fournissent pour la majorit� d'entre eux des soins priv�s alors que les h�pitaux sont essentiellement publics. Bien que fond�s sur le principe de l'universalit�, ces syst�mes ne couvrent pas l'ensemble de la population. Certains groupes, surtout les jeunes ch�meurs, sont plus ou moins exclus des services de sant�. Des mesures ont �t� r�cemment prises dans certains de ces pays pour assurer une couverture universelle. N�anmoins,la question de l'acc�s � des immigrants ill�gaux qui repr�sentent une population importante dans des pays tels que la France et l'Allemagne n'est pas encore r�solue. Dans des pays relevant d'un syst�me de sant� bismarckien, les d�penses nationales de soins de sant� sont �lev�es ( 8 � 10% du PNB).

Le syst�me d'�conomie de march�:

La Suisse est le seul pays d'Europe dont le syst�me de sant� est similaire au syst�me am�ricain. La couverture de l'Etat se limite aux groupes les plus d�munis de la population, la majorit� souscrivant une assurance aupr�s de compagnies d'assurance priv�es. La Suisse ayant le PNB par habitant le plus �lev� du monde, le nombre des exclus y est tr�s peu �lev�. Mais le co�t de l'assurance priv�e est �lev� et devient inabordable pour un nombre toujours plus grand de personnes. L'exemple des Etats-Unis montre que ce type de syst�me de sant� � �conomie de march� est le plus in�gal en termes d'acc�s aux services de sant� et est le plus co�teux (10 � 13% du PNB).

En d�pit d'une croissance r�guli�re de son co�t dans la majorit� des pays, le syst�me de sant� joue un r�le modeste dans l'am�lioration de l'�tat de la sant� de la population. Il est d�sormais largement reconnu que des revenus r�guliers – m�me modestes - protection sociale, logement et �ducation jouent un plus grand r�le dans la protection de la situation de la sant�. Un acc�s �quitable aux services de sant� est une chose certes n�cessaire dans tous les pays, mais largement insuffisante s'il ne vise qu'� limiter l'effet de la pauvret� sur la sant�.

4. La question des in�galit�s entre pays europ�ens:

Selon leur prosp�rit� (PNB par habitant), les pays d'Europe pourraient �tre divis�s en trois cat�gories: les pays � faible revenu avec un PNB annuel inf�rieur � 3000 USD par habitant ( tous sont des pays ex-socialistes), les pays � revenu interm�diaire qui se situent en Europe du Sud et en Europe centrale et les pays � revenu �lev� qui se situent dans la partie septentrionale et occidentale d'Europe. Lors de l'�laboration des politiques visant � limiter l'effet de la pauvret� sur la sant�, la capacit� financi�re des pays devrait �tre prise en compte et des strat�gies sp�cifiques devraient �tre adapt�es au niveau �conomique de chaque pays.

Revenus inf�rieurs � 3000 USD

Bosnie-Herz�govine?
Albanie?
Mac�doine, RFY?
Moldavie(6.8)
Bulgarie (2.6)
Roumanie (17.7)
Ukraine?
Yougoslavie?
Lituanie(2.1)
B�larus?
F�d�ration de Russie(1.1)
Lettonie?
Turquie?
Pologne(6.8)
Estonie(6.0)
R�publique slovaque(12.8)

Revenus compris entre 3000 et 10.000 USD

Croatie?
R�publique tch�que(3.1)
Hongrie(0.7)
Slov�nie
Malte
Gr�ce
Chypre
Portugal

Revenus sup�rieurs � 10 000 USD
Andorre
Espagne
Irlande
Royaume-Uni
Italie
Finlande
Su�de
Pays-Bas
Islande
Belgique
France
Autriche
Allemagne
Danemark
Norv�ge
Suisse
Luxembourg

Tableau 1 PNB par habitant des pays d'Europe et proportion de personnes vivant avec moins d'un dollar par jour ( source : Rapport sur le d�veloppement dans le monde 1997, Banque mondiale).

Questions cl�s:

En cette p�riode de bouleversements socio-�conomiques mondiaux avec, entre autres cons�quences, une augmentation des in�galit�s sociales, il y a lieu d'�tudier certaines questions cl�s lorsque l'on examine les effets de la pauvret� sur la sant�. On tend g�n�ralement � ne prendre en consid�ration que les situations les plus extr�mes et � proposer des mesures sp�cifiques � l'intention des ces personnes marginales. Une autre tendance consiste � consid�rer que la pauvret� affecte ou pourrait affecter des centaines de millions de personnes en Europe et qu'il importe avant tout d'assurer � tous l'�galit� des conditions d'acc�s aux syst�mes de sanitaires et sociaux. Certaines de ces questions sont pr�sent�es ci-dessous pour examen.

1. Qui sont-ils?

Dans chaque pays, cette question est celle qui rev�t le caract�re le plus politique. La population cible se limite-t-elle aux personnes formellement exclues et � celles qui sont dans une grande pauvret�? Dans un tel cas, les mesures seront essentiellement curatives et ne s'adresseront pas � plus de quelques millions de personnes en Europe. L'exp�rience montre que dans les pays de l'Union europ�enne, les ONG sont souvent les acteurs principaux. La population cible est-elle repr�sent�e par ceux qui vivent en dessous du seuil de pauvret�? Les syst�mes sanitaires et sociaux sont alors des institutions cl�s et il s'agit avant tout d'assurer un acc�s �quitable � tous. Enfin, si l'on privil�gie les personnes qui vivent dans une situation pr�caire m�me si leur revenu est sup�rieur au seuil de pauvret�, des efforts sp�ciaux devraient �tre faits pour mettre en place des mesures sp�cifiques afin d'�viter qu'ils ne basculent dans la pauvret�. Cette politique est de toute �vidence au-del� de la capacit� du secteur de la sant� et devrait se fonder sur les principes d'Ottawa. Lorsqu'il examinera les effets de la pauvret� sur la sant�, le groupe de travail devrait adopter cette approche plus ouverte.

2. Le risque de stigmatisation

Tr�s souvent, les chercheurs, les d�cideurs politiques et les journalistes ont tendance � simplifier les probl�mes et � les exposer de mani�re tr�s sch�matique � l'opinion publique. Une telle attitude dans le domaine de la pauvret� et de la pr�carit� pr�sente un grand risque de stigmatisation. Les "exclus" et les "pauvres" ne constituent pas une classe sociale. Ils sont des personnes qui - pour de nombreuses raisons- se trouvent d�munis � un moment donn� de leur vie. La majorit� de ces personnes des pays de l'Union europ�enne n'�taient pas pauvres il y a vingt ans, elles ne sont plus pauvres lorsqu'elles trouvent du travail m�me si elles risquent de le redevenir d�s qu'elles perdent leur travail. Seule une toute petite proportion de ces personnes identifi�es comme vivant sous le seuil de la pauvret� vit de mani�re permanente dans de telles conditions. Il est � craindre que si l'on propose d'identifier pr�cis�ment ces personnes et de fixer de mesures sp�cifiques pour am�liorer leur �tat de sant�, on risque de stigmatiser ces personnes qui sont d�j� fragiles sur le plan psychologique. Le groupe de travail devrait approuver le principe visant � ne pas stigmatiser cette cat�gorie de la population.

3. Les services sp�cialis�s par opposition � l'�galit� d'acc�s

Le d�bat sur le principe de non-stigmatisation vaut �galement pour les strat�gies qui recommandent de mettre en place des m�canismes sp�cifiques � l'intention des personnes exclues. De nos jours, dans de nombreux pays, les ONG ont mis en oeuvre des centres m�dicaux sp�cialis�s??? pour r�soudre les probl�mes � court terme. N�anmoins,les Etats qui travaillent dans le long terme ne devraient pas s'attacher � cr�er des syst�mes de soins sp�cifiques pour les cat�gories d�favoris�es de la population mais cr�er les conditions d'un acc�s �gal pour tous. Il serait donc bon que le groupe de travail approuve ce principe et sensibilise les d�cideurs politiques aux probl�mes li�s � la cr�ation de services sp�cifiques.

4. Difficult� inh�rente � la mise en place de mesures communes du fait de la diff�rence des niveaux de prosp�rit� et de l'existence de quatre types de syst�mes de sant�

Au del� des principes g�n�raux qui peuvent �tre avanc�s en tant que recommandations introductives devant �tre fermement soutenues par le groupe de travail, il sera difficile de recommander des mesures communes pour toute l'Europe. Du fait de l'�cart �norme qui s�pare les pays les plus riches et les pays les plus pauvres d'Europe, le groupe de travail devrait s'attacher � �laborer des recommandations qui tiennent compte de la sp�cificit� de chaque pays ou de chaque groupe de pays similaires.

Il est propos� d'organiser le travail comme suit:

Les discussions des membres du groupe de travail devraient suivre une approche logique qui se fonde sur l'exp�rience acquise et porter sur les �l�ments ci-apr�s pour les deux premi�res r�unions:

1. Accord sur la terminologie et les concepts: cette discussion devrait avoir lieu au cours de la premi�re r�union pour aboutir � un accord au cours de la deuxi�me r�union apr�s examen des documents pertinents.

2. Examen des questions cl�s: cette discussion devrait �galement se d�rouler au cours de la premi�re r�union et un accord d�finitif devrait intervenir au cours de la deuxi�me r�union apr�s examen des documents pertinents.

3. Lecture des documents pertinents: en fonction des besoins qui auront �t� �valu�s au cours de la premi�re r�union, un ensemble de documents cl�s et d'articles seront fournis aux membres du groupe de travail, qui seront donc tous saisis des m�mes informations au moment de la deuxi�me r�union.

4. Mise au point d'une approche commune: la deuxi�me r�union devrait aboutir � un consensus des membres du groupe de travail sur les grandes questions. Le groupe formulera ensuite des projets de recommandations.


1 Cette estimation inclut la population russe d'Europe.

2 La Charte d'Ottawa a pr�cis� que la sant� exige un certain nombre de conditions et ressources pr�alablesqui sont que l'individu doit "pouvoir se loger, acc�der � l'�ducation, se nourrir convenablement, disposer d'un certain revenu, compter sur un apport durable de ressources et avoir droit � la justice sociale et � un traitement �quitable".

3 "Les soins de sant� primaires". Conf�rence internationale d'Alma Ata sur les soins de sant� primaires. OMS, Gen�ve; 1978

4 " Vers une nouvelle sant� publique". Conf�rence d'Ottawa. OMS, Gen�ve, 1986.

5 Whitehead M. The health divide. Retirage en livre de poche Penguin. Londres;1990.

6 La progression de la pr�carit� en France et ses effets sur la sant�. Haut Comit� de la Sant� Publique; Minist�re de l'emploi et de la solidarit�, Paris;1998.

7 Ermakov S.P. in Statistiques de la F�d�ration de Russie en mati�re de sant�. MedSocEconoInform, Moscou;1997.

8 Prevention and health promotion for the excluded and the destitute in Europe. Chauvin P. et al. Europromed; Institut de l'Humanitaire, Paris 1999.

9 Poverty3, Commission europ�enne, PE DOC A4-102/96, Luxembourg;1996

10 Wrezinski J., "Grande pauvret� et pr�carit� �conomique et sociale", Paris, Journal officiel;1987

11 In�galit�s dans le domaine de la sant�. The Black report. Retirage en livre de poche Penguin. Londres;1990

12 La progression de la pr�carit� en France et ses effets sur la sant� op.cit�.