Un déficit abyssal de 80 millions pour la caisse de pension des députés wallons
En cause : une mauvaise gestion et, surtout, l’octroi d’un collaborateur à mi-temps supplémentaire pour chaque député wallon depuis 1999.
- Publié le 19-01-2023 à 22h38
- Mis à jour le 22-01-2023 à 12h17
Décidément, le Parlement wallon va très vite devoir revoir l’ensemble de ses procédures de contrôle. Après les dépassements budgétaires liés à l’extension du Parlement et à la construction d’un tunnel, il apparaît qu’une affaire, peut-être plus grave encore, pourrait bien éclater, donnant une nouvelle fois une image très négative de cette institution. En effet, la question de la caisse de retraite des députés wallons (ASBL) ne pourra plus être cachée bien longtemps sous le tapis de la nouvelle commission de la Comptabilité (quand se réunira-t-elle d’ailleurs ? , l’ampleur du déficit annoncé d’ici 2035 devant atteindre, si rien ne change, un montant de 84,6 millions de déficit. Et ce n’est pas La Libre qui l’affirme, mais une étude réalisée par Deloitte et qui a été communiquée, via un rapport du greffe, au Bureau du Parlement wallon en décembre 2021. Dans ce rapport, une seconde étude réalisée par Ethias – qui gère les pensions des députés au nom de l’ASBL – annonce un déficit plus bas que celui de Deloitte, à savoir… 78 millions d’euros. Si les députés wallons ne font rien, ce déficit tournera donc bien autour de 80 millions d’euros dans une dizaine d’années.
Les députés wallons vont devoir enrayer ce déficit
Ce montant il faudra bien le payer un jour et les solutions ne sont pas nombreuses. Soit le Parlement demande une rallonge de sa dotation au gouvernement wallon. Dans le contexte actuel, on peut imaginer qu’une telle demande fasse mauvais genre… Soit les députés wallons décident de suivre les recommandations qui ont été faites au Bureau par Deloitte. À savoir, augmenter de manière importante le taux de la cotisation payée par chaque parlementaire (9,5 % du montant de son indemnité), mais aussi celui que le Parlement verse à la caisse des députés sous forme de dotation annuelle (33 % du montant de l’indemnité parlementaire). Précisons que ces taux ont déjà été augmentés durant la législature 2014-2019 lorsque le Bureau du Parlement wallon s’était attaqué au problème, qui était déjà très bien connu du monde politique wallon à cette époque. En effet, deux études déjà réalisées par Deloitte et par Ethias annonçaient le déficit qui a été confirmé en 2021 (voir ci-dessus). Ethias annonçait alors un montant inférieur aux 78 millions de son étude de 2021. Il était alors de 45 millions d’euros de déficit. Précisons qu’Ethias n’avait pas tenu compte de certains paramètres.
À l’époque, le Bureau du Parlement wallon avait donc décidé d’octroyer des subventions exceptionnelles à la caisse de retraite pour anticiper le problème de déficit. Un montant de 2,5 millions d'euros avait été versé en 2016, un autre de 5,5 millions en 2017 (en deux fois), 3 millions en 2018 et 1 million en 2019 (soit 12 millions en tout). C’est aussi à ce moment-là que la cotisation personnelle des députés avait été augmentée, ainsi que la part versée par le Parlement wallon. Et puis ? Et puis plus rien. Lors de la législature en cours, aucun versement exceptionnel n’aurait été versé à la caisse de retraite des députés wallons. Il y a quelques mois, l’idée de verser 4 millions d’euros de subvention exceptionnelle, chaque année, pendant 20 ans a bien été adoptée. Pourtant, ce montant n’apparaît pas dans le budget 2023 du Parlement wallon.
Diminuer le nombre de collaborateurs parlementaires
Il existe encore une autre solution pour renflouer les caisses de l’ASBL. Mais il n’est pas certain que les députés wallons décident de s’en saisir. Pourtant, il s’agirait juste de mettre fin à un mécanisme mis en place il y a plus de vingt ans et qui est plus que probablement à l’origine de ce déficit. En effet, en 1999, les députés wallons décident, sur la base des chiffres qui sont donnés par le directeur-fondé de pouvoir de l’époque – un agent du Parlement wallon – de réduire la dotation du Parlement à l’ASBL. Or, ces chiffres souffrent d’une certaine faiblesse, étant donné que l’ASBL n’était pas gérée de manière optimale. Elle ne disposait pas d’une comptabilité, par exemple. Les chiffres donnés aux députés et qui concernaient les placements financiers réalisés par l’ASBL via la société de gestion Candriam et par la banque Fortis étaient incomplets et présentés de manière très optimistes. Bref, fort de ces informations tronquées qu’ils ne vérifient pas plus en avant, les députés qui composaient le Bureau du Parlement wallon et qui siégeaient aussi au sein du conseil d’administration de l’ASBL (c’est toujours le cas) décident de baisser la part de dotation que le Parlement octroie à l’ASBL. À l’époque, la dotation baisse donc d’un montant en francs belges équivalent à 3 millions d’euros. Et que va-t-on faire de cette somme ? Elle servira pour partie (2,5 millions d’euros) à financer, chaque année, l’octroi d’un collaborateur à mi-temps supplémentaire pour chaque député wallon. Depuis lors, les 75 élus bénéficient chacun de 2,5 collaborateurs contre 2 auparavant. Les députés wallons sont donc les mieux lotis du pays en la matière. Sur 24 ans (1999-2023), si ces 2,5 millions annuels avaient été versés à la caisse de retraite, l’état des finances de l’ASBL serait assurément tout autre. Il va désormais falloir trouver des solutions pour sortir les finances de l’ASBL de leur “situation précaire”, selon les termes utilisés par Deloitte dans son étude.