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« Après nous, ce sera fini » : les derniers témoins de la rafle du Vél’ d’Hiv se confient

Les 16 et 17 juillet 1942, 12 844 juifs, dont des femmes et des enfants, étaient arrêtés par la police française et pour la plupart déportés. Quatre-vingts ans après, de rares survivants Vél’ d’Hiv, tels Arlette, Marcel ou Irène, continuent de raconter ; mais la question de la transmission se pose.

Marie Quenet , Mis à jour le
Arlette Testyler, survivante de la rafle du Vel' D'hiv, au Mémorial de la Shoah, à Paris.
Arlette Testyler, survivante de la rafle du Vel' D'hiv, au Mémorial de la Shoah, à Paris. © Eric Dessons/JDD

«Nous sommes les dinosaures de la Shoah. Après nous, ce sera fini. Mais il restera des preuves face aux négationnistes. » Ce vendredi-là, Arlette Testyler, 89 ans, apporte au Mémorial de la Shoah, à Paris, le porte-plume en bois envoyé par son père, interné à Pithiviers, avant sa déportation. Elle témoignera dimanche de son propre parcours lors de la 80e commémoration de la rafle du Vél’ d’Hiv. Elle fait partie des 12 884 juifs arrêtés par la police parisienne, les 16 et 17 juillet 1942. Répartis entre le Vélodrome d’Hiver et le camp de Drancy, presque tous ont été exterminés à Auschwitz. Seuls une petite centaine ont survécu.

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Aujourd’hui, les « rescapés » se font rares. Et prendre la parole n’est pas facile. « Quand je témoigne, j’ai à nouveau 9 ans », confie Arlette Testyler. Tout remonte. La colère. Les larmes. Et l’angoisse de cette époque où elle devait porter une étoile jaune sur sa robe écossaise et se voyait refouler des squares, « interdits aux juifs et aux chiens ». Certains n’ont d’ailleurs plus la force de raconter. « Je ne bouge plus, je suis très fatiguée », s’excuse au téléphone Hélène Zytnicki, qui, en 2012, était revenue à l’endroit où elle avait été raflée pour dialoguer avec les habitants.

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Appel à témoignages

En octobre dernier, le Mémorial a lancé un appel à témoignages sur la grande rafle parisienne de l’été 1942. Quarante-deux personnes ont répondu. Une vingtaine ont été filmées. Certains avaient déjà témoigné, d’autres non. « Nous mettons beaucoup d’énergie à collecter des archives dans les familles de victimes, complète Jacques Fredj, le directeur du Mémorial de la Shoah. Avec le changement de génération, nous avons peur que les documents se perdent. Nous préparons aussi l’avenir en fournissant des armes pour enseigner, transmettre et s’opposer aux tentatives de falsification. »

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Lire aussi - Qu’est-ce que la rafle du Vél’ d’Hiv ?

Quatre-vingts ans après les faits, il y a comme une urgence à recueillir des éléments sur cette gigantesque chasse à l’homme. En juillet 1942, le régime de Vichy a accepté de fournir aux nazis le nombre de juifs désirés à condition de choisir lui-même les catégories ciblées (les apatrides) et d’agir de façon autonome. « Cette rafle est devenue le symbole de la France collaboratrice, résume l’historien Laurent Joly, qui vient de publier La Rafle du Vél d’Hiv (Grasset). D’abord, par son énormité : un déporté juif français sur six a été arrêté au cours de ces deux jours. Il n’y a aucun équivalent dans toute l’Europe de l’Ouest. Ensuite, parce que la police française opère seule. Aucun soldat allemand, aucun SS n’y a pris part. Enfin, parce que, pour la première fois, on arrête aussi des femmes et des enfants. » De quoi choquer l’opinion publique, jusqu’à donner un coup de frein à des déportations massives.

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Enfants séparés de leurs parents

Il ne reste désormais que quelques témoins directs, tous enfants au moment de la rafle. Arlette Testyler témoigne depuis 1995, depuis que Jacques Chirac a condamné l’acte « irréparable » commis par l’État français. Elle raconte, inlassablement : « Le 16 juillet 1942, à 6 heures du matin, on a frappé à la porte. Maman s’est levée : “Qui est là ?” “C’est la police, on vient chercher votre mari.” Ma mère a répondu : “Mais vous l’avez déjà pris, il est parti pour une destination inconnue.” Ils ont regardé leur liste : “Ce n’est grave, il y a vous et vos enfants.” »

Car les autorités françaises ont ajouté les moins de 16 ans, que les nazis ne réclamaient pas au départ. La rumeur de la rafle s’est d’ailleurs répandue, mais certains n’y ont pas cru. Pour ces familles originaires de Pologne, de Russie ou d’ailleurs, la France était encore le pays des droits de l’homme. « On a été avertis. Mon père a dormi dans le garage derrière. Moi, on m’a envoyé à Choisy-le-Roi », se souvient Joseph Schwartz, 15 ans à l’été 1942, dans la série de podcasts diffusés sur le site du Mémorial. Sa mère et son petit frère, restés à la maison, sont arrêtés. Son père se rend, espérant obtenir leur libération.

Toutes ces familles sont conduites au Vélodrome d’Hiver, dans le 15e arrondissement. Près de 8 000 hommes, femmes et enfants s’entassent sur les gradins. « L’enfer de Dante », souffle Mme Testyler, frêle silhouette à la mémoire intacte. Elle se souvient de tout. Les « grabataires, handicapés, femmes enceintes » débarqués comme des bêtes. Le bruit incessant. Les appels au micro. La chaleur sous la verrière. La soif. Les toilettes bouchées : « Les gens faisaient leurs besoins le long du mur, derrière un vêtement. » L’odeur des excréments l’assaille à nouveau, en 2010, quand elle assiste à la première du film La Rafle dans un cinéma des Champs-Élysées : « Je sentais encore cette puanteur, je me suis évanouie. »

Deux tiers des juifs visés par la rafle parisienne ont échappé aux arrestations

Arlette, sa mère et sa sœur sont convoyées au camp de Beaune-la-Rolande (Loiret). La mère réussit à les faire libérer, prétendant qu’elle pourrait être utile à l’entreprise familiale – dont ils ont été spoliés – qui fabrique des gilets en lapin pour l’armée ­allemande. Sitôt relâchées, toutes trois prennent la fuite. Les deux fillettes sont cachées en province, chez « des gens simples ». « La France que j’aime », commente l’octogénaire. Le pays compte aussi beaucoup de sauveteurs. Pour preuve, deux tiers des juifs visés par la rafle parisienne ont échappé aux arrestations. Le plus souvent ­prévenus à temps, parfois épargnés grâce à la complicité d’un ­policier.

Marcel Sztejnberg, lui, est embarqué, le 16 juillet, avec sa mère et son frère Henri. Il n’a que 5 ans. Ses souvenirs sont hachés. Avec quelques flashs. La patronne d’un bistrot qui les apostrophe : « Sales juifs ! » Le vélodrome : « Un barouf d’enfer. Ça courait dans tous les sens. La lumière restait allumée en permanence, on avait du mal à dormir. »

À Beaune-la-Rolande se déroule une autre abomination. « On a séparé les enfants de leurs parents avant de les déporter, quelques semaines plus tard, au milieu d’inconnus », rappelle l’historien Laurent Joly. « Ils nous ont arrachés à nos mères à coups de crosse et de lance à eau », décrit Marcel, le petit garçon devenu arrière-grand-père. Qui échappe miraculeusement à la déportation parce qu’il a attrapé la scarlatine. Hospitalisé, il est récupéré et caché jusqu’à la Libération.

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Après-guerre, personne ne nous écoutait. Les gens disaient : “Nous non plus, on n’a pas mangé de pain blanc”

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Pendant longtemps, le survivant se focalise sur son magasin de prêt-à-porter, son épouse, leurs trois fils. « J’ai commencé à me poser des questions quand j’ai pris ma retraite. » Pour remplir les blancs, il fouille les archives, le « fichier juif » de la préfecture de police qui a servi à établir la liste des 27 400 personnes de plus de 16 ans à arrêter, les registres des hôpitaux, et lance des appels à témoignages. « J’ai retrouvé un survivant du convoi 34 dans lequel est parti mon frère, s’émeut-il. Il m’a raconté le voyage. On est restés amis jusqu’à sa mort. »

Beaucoup de « frères et sœurs de parcours » ont mis du temps à parler. « Après-guerre, personne ne nous écoutait. Les gens disaient : “Nous non plus, on n’a pas mangé de pain blanc” », se souvient Arlette Testyler. Alors les rescapés – très jeunes à l’époque – se taisent. Les enfants de déportés se rapprochent à la fin des années 1970 : « Serge Klarsfeld [président de l’Association des fils et filles de déportés juifs de France] a eu cette idée de génie de nous fédérer, décrit Joseph Schwartz lors d’une rencontre organisée fin juin au Mémorial. Le même malheur nous unissait, les mêmes douleurs, les mêmes nuits sans sommeil. Il a réussi à nous réunir tous vers un but : le souvenir et la défense de la mémoire. »

Des souvenirs aux archives 

Le silence vaut parfois protection. « Je ne pouvais pas en parler longtemps, avoue Alice Mendelson, lors de cette journée. J’étais tout de suite au bord des sanglots. Je n’étais pas capable de le faire avec une distance juste. » Mais cette nonagénaire écrit beaucoup, en particulier sur l’absence de son père, depuis sa troisième retraite (elle a d’abord été professeure de lycée, conteuse, puis formatrice dans un atelier d’écriture), en 2015. Calée dans son fauteuil roulant, elle écoute ce jour-là la chanteuse Catherine Ringer lire des extraits de son livre La Petite qui n’est pas loin, paru en 2017, les mains agrippées à la table, le regard vague, et se tamponne les yeux après les applaudissements du public.

« Il fallait d’abord vivre normalement, trouver du travail, fonder une famille, décrypte Lior Lalieu-Smadja, la responsable du service photothèque au Mémorial. Pour se reconstruire, beaucoup ont mis cette période entre parenthèses, ils ont créé une bulle. Celle-ci a explosé à la fin de leur vie professionnelle ou quand les petits-enfants ont commencé à les interroger. »

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Jusqu’à présent, les survivants des camps témoignaient. Maintenant, c’est à nous, les enfants cachés, de prendre le relais

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Marcel Sztejnberg s’investit alors au Mémorial. Sa « maison », comme il dit. On le croise, une canne dans une main, casquette sur la tête, dans les cérémonies en mémoire d’un convoi. En amont, il prévient les familles des disparus. Quitte à insister quand un interlocuteur rechigne. « Moi, quand c’est mon papa, ma maman, je n’ai pas mal, je n’ai pas froid, je suis toujours disponible », ronchonne-t-il dans le joli documentaire J’aimerais qu’il reste quelque chose. Et il invite chacun à apporter photos, documents ou lettres… Autant d’éléments qui viendront nourrir la mémoire collective et de nouvelles expositions.

Lui-même s’est d’abord méfié. « Quand j’ai apporté mes photos, à la fin des années 1990, on m’a dit : “Il faut les laisser, le temps de les reproduire.” J’ai répondu : “Jamais de la vie. Je ne les lâche pas des yeux.” » Avec la ­numérisation, cette crainte a disparu. « Notre force, c’est qu’on ne dépossède pas les familles, rappelle Lior Lalieu-Smadja. Les gens sont même souvent soulagés de savoir leurs archives au Mémorial. On a eu tellement de cas où on nous remerciait ensuite parce que les originaux étaient perdus. »

Pour d’autres, le cheminement est plus long. Comme ces témoins indirects qui ont échappé à la rafle. « Jusqu’à présent, les survivants des camps témoignaient. Maintenant, c’est à nous, les enfants cachés, de prendre le relais », explique Michel Isaac, qui n’avait pas 2 ans à l’été 1942 (l’âge minimal pour être embarqué), désormais photographe bénévole pour le ­Mémorial. Le Covid et le premier confinement ont réveillé chez lui des souvenirs inconscients.

Irène Mowszowicz, emmenée au Vél’ d’Hiv avec sa mère et sa sœur, a témoigné pour la première fois face à la caméra, en novembre 2021. Mais s’est désolée en découvrant la vidéo : « Je n’arrête pas de répéter : “Je n’en sais rien.” » C., 94 ans, a été filmée la semaine dernière. Médecin, elle a travaillé jusqu’à 90 ans. Elle a perdu toute sa famille pendant la guerre. Son nom figure même curieusement sur le mur du Mémorial, parmi ceux des 76 000 juifs français morts en déportation. « Jusqu’ici, elle estimait que c’était sa vie à elle. Maintenant, elle se dit qu’elle doit transmettre son histoire avant de partir », explique Lior Lalieu-Smadja.

La démarche ne va pas forcément de soi. « Il faut convaincre les gens que ce qu’ils ont chez eux, ce qu’ils appellent leur album de famille, une fois au Mémorial, devient une photo d’histoire et de transmission », analyse la documentaliste. Il faut aussi recueillir le récit qui accompagne, écouter le flot des souvenirs, poser des questions précises pour garder le fil… Des témoins filmés au studio appellent parfois dès le lendemain du tournage : « Est-ce que vous avez vu mon témoignage ? » ; « Qu’en avez-vous pensé ? » ; « Je n’ai pas tout dit. » Il faut les rassurer. Chacun signe un contrat qui protège ses droits d’auteur.

La descendance, une revanche 

Malgré tout, certains bloquent encore. Comme R., une fidèle bénévole. « Impossible de la filmer, elle s’évanouit », raconte la responsable de la photothèque. La rescapée a écrit un petit texte. Elle y raconte les coups à la porte, les siens regroupés dans la chambre du fond, la main sur sa bouche, puis le placement dans une famille. « Je n’avais pas dit au revoir à ma mère », écrit-elle. Le récit reste à compléter.

Pas facile de surmonter ses traumatismes. « J’ai fait du parapente à ski, plongé au milieu des requins, je ne suis pas peureuse, confie Arlette. Mais la gare d’Austerlitz, d’où nous sommes parties pour Beaune-la-Rolande, je ne peux pas y mettre les pieds. » Et sa voix se brise quand elle évoque sa mère, morte de chagrin six mois après la Libération, lorsqu’elle a compris que son époux ne reviendrait pas. ­Marcel Sztejnberg, lui, a espéré le retour de ses parents jusqu’à… la chute du mur de Berlin. Il ne quitte jamais la chevalière de son père, se recueille devant le mur des noms chaque fois qu’il vient au Mémorial, et s’interroge tous les jours en nouant ses baskets : « Qui m’aidait à faire mes lacets quand je me suis retrouvé seul, sans maman, à Beaune-la-Rolande ? »

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Si Dieu existe, alors j’aurai beaucoup de questions quand je le rencontrerai…

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Et maintenant ? « Je suis fier du chemin parcouru, lâche l’octogénaire. Je ne suis pas croyant. Mais si mes parents me voient de là-haut, ils doivent être contents de moi. » Arlette Testyler, elle, sourit : « Si Dieu existe, alors j’aurai beaucoup de questions quand je le rencontrerai… » Tous deux évoquent avec fierté leur descendance. Le premier vient de réunir 23 personnes à sa cousinade : « Un bonheur que vous n’imaginez pas ! » La deuxième se réjouit : « Ma fille, mes trois petits-enfants, un sixième arrière-petit-enfant qui arrive, quelle revanche sur la Shoah ! »

La transmission ne s’arrête pas au cercle familial. La rescapée se rend encore dans les collèges. « Depuis la mort de mon mari, ancien déporté, c’est de plus en plus douloureux. Avant, on y allait ensemble. » Mais, ajoute-t-elle, « je le fais pour ceux qui ne sont pas revenus. Dans mon immeuble, quatre familles ont été raflées le 16 juillet 1942. Personne n’est rentré ». Alors elle continue, malgré son opération du cœur et sa canne. Même dans des établissements difficiles : « Je me souviens d’une classe où un élève s’était installé délibérément de dos, au premier rang. Le prof voulait intervenir, mais je lui ai fait signe de ne rien dire. Au bout de trois quarts d’heure, l’adolescent s’est retourné de lui-même. »

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La Shoah, ce n’est pas un mot, mais 6 millions de personnes. Une plus une, plus une… autant de vies arrachées

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Marcel Sztejnberg, lui aussi, se démène. Il a effectué son septième voyage à Auschwitz, juste avant le Covid, à la demande d’un de ses sept petits-enfants. Joseph Schwartz s’est emporté lors de la dernière commémoration contre ceux qui arboraient l’étoile jaune dans les manifestations antivax. Et Rachel Jaeglé, jugée « intransportable » le jour de la rafle, s’est battue pour que des plaques au nom des élèves déportés soient apposées dans les écoles. Face au public du Mémorial, elle appelle à la vigilance citoyenne : « Il faut se sentir responsable de ce qui se passe autour de soi. Aujourd’hui, si quelque chose est injuste, qu’est-ce que je fais ? C’est ça la vraie question. Ne pas être spectateur dans la vie, mais oser intervenir. »

Chaque mardi, au Mémorial, les collectes continuent. « Peut-être qu’un jour on découvrira d’autres photos de la rafle du Vél’ d’Hiv », espère Jacques Fredj, le directeur. Pour l’instant, il n’existe qu’un seul cliché : les autobus garés devant le vélodrome. Mais les bénévoles accueillent toujours de nouveaux témoins, avec du thé, des petits gâteaux et un questionnaire. Ce jour-là, M­aurice Rafowicz, 84 ans, est venu saluer sa demi-sœur, qui aide à la permanence. Lui aussi est un « rescapé de la rafle ». Le 16 juillet 1942, ses parents, son frère et sa sœur ont été arrêtés. Lui était à l’hôpital, soigné pour une diphtérie. « Mon père est le seul à être revenu. Mais on ne s’est jamais vraiment retrouvés », commente cet ancien médecin. « La Shoah, ce n’est pas un mot, mais 6 millions de personnes, ajoute-t-il. Une plus une, plus une… autant de vies arrachées. » Autant de destins à sauvegarder. Sur le mur des noms, les plus jeunes victimes de la rafle, déportées sans leurs parents et incapables de décliner leur identité, restent encore anonymes.

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