Mort de Jean-Pierre Marielle : «Nom de Dieu d’bordel de m…, c’était dans le scénario !»

Joël Séria, qui a réalisé « Les Galettes de Pont-Aven », se confie sur 50 ans d’amitié avec Jean-Pierre Marielle.

 Dans « les Galettes de Pont-Aven », le cinéaste Joël Séria n’avait pas hésité à mettre entre les mains de Jean-Pierre Marielle les fesses de sa compagne, Jeanne Goupil, dans une scène passée à la postérité.
Dans « les Galettes de Pont-Aven », le cinéaste Joël Séria n’avait pas hésité à mettre entre les mains de Jean-Pierre Marielle les fesses de sa compagne, Jeanne Goupil, dans une scène passée à la postérité. Bestimage/Denis Guignebourg

    Au lendemain de la mort de Jean-Pierre Marielle, Joël Séria, 83 ans, avec qui l'acteur a tourné quatre films dont les fameuses « Galettes de Pont-Aven » (1975) mais aussi « Comme la lune » (1977), raconte l'homme qui fut son ami.

    Comment allez-vous ?

    JOËL SÉRIA. Avec ma femme, Jeanne Goupil qui joue Marie dans « les Galettes de Pont-Aven », nous sommes bien sûr très tristes car nous perdons un ami de cinquante ans. Mais Jean-Pierre était très malade, cette maladie d'Alzheimer est atroce, c'était vraiment pénible ces derniers moments… Le dernier film que nous avons fait ensemble, « les Deux Crocodiles », date de 1987, mais nous sommes toujours restés très proches. Jean-Pierre est quelqu'un de très fidèle, un homme très agréable, d'une belle culture, littéraire ou picturale. On parlait de mille choses, c'était un homme succulent.

    Quand l'avez-vous rencontré ?

    Je l'ai connu en 1969 quand il jouait au Théâtre La Bruyère « Guerre et paix au café Sneffle », avec la compagnie Grénier-Hussenot. Il avait un rôle étonnant et, tout de suite, j'ai été séduit par l'acteur, je l'ai trouvé prodigieux et formidable. Et quatre ans plus tard, il jouait dans mon film « Charlie et ses deux nénettes ». Je n'étais pas le seul à le trouver génial. Jean Seberg, avec qui j'étais très ami à l'époque, avait, elle aussi, été bluffée par son jeu. « Il a ça dans la peau, c'est un acteur né! » m'avait-elle confié.

    Comment était le comédien ?

    Succulent, comme l'homme! Et il était fidèle aux textes comme il l'était en amitié. Il ne changeait pas une ligne à mes dialogues. Par exemple, dans la scène avec ma femme où il s'extasie sur ses fesses et finit par dire « Nom de Dieu d'bordel de merde! » c'était écrit noir sur blanc dans le scénario. J'ai d'ailleurs été un peu étonné que cette phrase devienne culte car c'est une expression que j'ai beaucoup entendue dans ma jeunesse en Anjou. Jean-Pierre, rien ne le choquait, il rentrait toujours parfaitement dans son rôle, et comme il était brillant, les premières prises étaient souvent les bonnes.

    Et « les Galettes de Pont-Aven » ?

    J'avais été tellement séduit par Jean-Pierre dans notre premier film que j'avais très envie de retourner avec lui. On s'est si bien entendus, et sa façon de lire mes textes était extraordinaire ! J'ai écrit « les Galettes » pour lui. Mon père était représentant de commerce en droguerie, pas en parapluies comme dans le film, je connaissais bien ce monde. J'ai construit le personnage d'Henri Serin en pensant à Jean-Pierre.

    Il a dit oui tout de suite ?

    Il n'a pas hésité mais, à l'époque, ce n'était pas facile de monter un film avec lui, il n'était pas encore bancable ! C'est grâce à Jean-Paul Belmondo, qui était très proche de Jean-Pierre, que le film a pu se faire. Il a adoré le scénario et l'a fait passer chez UGC qui a mis 30 bâtons dans l'affaire !

    Comment s'est passé le tournage ?

    C'était très sympa, et on s'est bien marrés. Jean-Pierre, qui était quelqu'un de très généreux, était très impliqué. Je me souviens qu'on avait choisi ensemble les costumes du film, les accessoires. Il était très observateur, il regardait les gens, il s'intéressait à eux sur un tournage, c'était formidable. Quelle chance j'ai eu de l'avoir comme acteur ! C'était aussi un bon vivant. Je me souviens que tous les deux on adorait les betteraves en salade et on en commandait tout le temps !