Histoire : Léonard de Vinci, les jeunes années d’un génie

En 1466, le futur maître de la Renaissance italienne n’a que 14 ans, mais il est déjà extrêmement doué. Après une enfance passée à courir la campagne, il entre comme apprenti dans le célèbre atelier de Verrocchio. La légende est en marche.

 Portrait de Leonard de Vinci par Francisco Fonollosa.
Portrait de Leonard de Vinci par Francisco Fonollosa. Aisa/Leemage

    « Po l'occhio! » lui répétait sans cesse son grand-père. Alors Léonard de Vinci « ouvrait l'œil », avidement, absorbant du regard chaque arbre, chaque animal, chaque vallon de la campagne toscane. Léonard a 12 ans. Ce grand-père adoré, chez qui il vit dans le paisible hameau d'Anchiano, vient de fermer l'œil pour toujours. Il part rejoindre son père à Florence, à 25 km de là.

    Que ressent-il ? Ses carnets n'en disent rien. Mais peu de temps après avoir été arraché à son enfance, il écrit une fable qui raconte le triste destin d'une pierre de la campagne. Vivant seule parmi les fleurs colorées, elle décide un jour de rouler pour rejoindre ses semblables, mais s'en retrouve souillée de boue, crottée et piétinée. « Ainsi advient-il à qui veut abandonner la vie solitaire et contemplative pour venir habiter en ville, parmi des gens d'une infinie malignité », conclut la morale de son histoire.

    Dans l'antre de l'excellence

    Léonard, pourtant, ne déteste pas la frénésie urbaine. Et puis, c'est la Florence des Médicis, la cité des arts par excellence. Quand Leonard y rejoint son père en 1464, on y trouve plus de sculpteurs sur bois que de bouchers.

    C'est décidément un don familial que de savoir « ouvrir l'œil ». Ser Piero, son père, constate vite que Léonard a un don pour le dessin et la sculpture. Il est si impressionné qu'il montre les croquis de son rejeton à son ami Andrea del Verrocchio. Difficile de trouver meilleur œil que lui à Florence : sa « bottega » (atelier), nichée dans la paroisse Sant'Ambrogio, abrite la pépinière de talents la plus courue de Toscane. Le maître est — selon Giorgio Vasari, premier biographe du génie florentin — « stupéfait » par les œuvres de Léonard, qu'il prend aussitôt comme apprenti.

    Le voilà à 14 ans dans l'antre de l'excellence. Le jeune Vinci déborde d'énergie, mais il est cantonné pendant un an aux tâches ingrates, dévolues aux novices : nettoyer les pinceaux, préparer les couleurs… Qu'importe, il regarde faire les meilleurs de sa génération.

    Le plus prometteur de tous pour Verrocchio

    Dans la « bottega », les autres élèves s'appellent Lippi, Credi ou Pietro Vannucci, futur Pérugin. Il y croise aussi régulièrement Ghirlandaio ou Sandro Botticelli. Bref, c'est la fine fleur du Quattrocento qui s'épanouit dans le vaste rez-de-chaussée de la via Ghibellina. Pas seulement des as du pinceau. Ici, toutes les muses sont à la fête : peinture sur toile et sur bois, céramique, orfèvrerie, sculpture, gravure, fonderie… On y apprend aussi bien la science des couleurs que celles des mathématiques. L'artiste et l'ingénieur ne font qu'un. L'alchimie subtile qui fera la gloire de Vinci.

    Gravure représentant le jeune Vinci et son maître Andrea del Verrocchio à Florence, en 1466./Getty Images
    Gravure représentant le jeune Vinci et son maître Andrea del Verrocchio à Florence, en 1466./Getty Images Aisa/Leemage

    Verrocchio, ferme mais bienveillant avec ses élèves, couve le jeune prodige du regard pendant six ans. De tous, Vinci lui apparaît comme le plus prometteur. Son imagination fantasque, couplée à un sens de l'observation unique, fera merveille, pressent-il. Alors il lui confie certaines parties de ses propres tableaux. Dans « Tobie et l'Ange », Léonard peint le chien et le poisson. Dans un autre, son « sfumato », qui permet d'atténuer les contours, atteint la perfection, de même que ses drapés.

    Au terme de son apprentissage, à l'âge de 20 ans, il est devenu un touche-à-tout génial, l'égal de son maître… même meilleur, il faut l'admettre, et plus gracieux. La légende, entretenue par Vasari, indéfectible admirateur de Léonard, affirme que Verrocchio a cessé subitement de peindre en constatant que l'ange qu'il lui avait délégué dans son « Baptême du Christ » était beaucoup plus beau que le sien. Son œil ne l'avait pas trompé.

    Du « coït » à la grâce

    S'il n'était pas né bâtard, Léonard n'aurait peut-être jamais été l'artiste le plus accompli de l'histoire qu'il est devenu, mais un notaire, comme son père Ser Piero et tous les Vinci (c'est-à-dire du village de Vinci, près de Florence) depuis cinq générations. Le destin a voulu qu'il soit le fruit (jamais légitimé par son géniteur, qui le considérait toutefois comme un fils à part entière) d'un amour de juillet entre ce jeune noble de 24 ans et Catarina Lippi, une fermière orpheline de 16 ans. Il n'en a conçu aucune amertume, au contraire : « Si le coït se fait avec un grand amour et grand désir l'un de l'autre, alors l'enfant sera de grande intelligence et plein d'esprit, de vivacité et de grâce », écrira plus l'art l'artiste sur un dessin anatomique!

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