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L'énergie des vagues attend son raz-de-marée

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Par Jacques Henno

Publié le 27 févr. 2008 à 01:01

A la décharge, centrales au charbon et autres réacteurs nucléaires ! Si elles pouvaient être entièrement converties en électricité, les vagues qui déferlent en continu sur la façade atlantique de la France fourniraient 420 térawattheures par an, soit l'équivalent de 93 % de notre consommation électrique annuelle. Bien sûr, cela ne sera jamais le cas. Les prévisions les plus optimistes estiment, en effet, que l'électricité d'origine marine couvrira à terme 10 % des besoins des pays occidentaux. Il n'empêche : une quarantaine d'organismes (laboratoires de recherche, entreprises...), répartis un peu partout dans le monde occidental (Australie, Danemark, Etats-Unis, France, Japon, Norvège...), planchent actuellement sur la meilleure façon de récupérer l'énergie des vagues. Une quinzaine d'entre eux auront dès cette année des prototypes ou des machines définitives en fonctionnement dans des zones d'essai éparpillées de Portland, en Oregon, sur la côte ouest des Etats-Unis, à la Namibie, en passant par les îles Orcades, en Ecosse, les Cornouailles, en Angleterre, ou Porto, au Portugal.

Coup d'accélérateur
Cet intérêt pour l'électricité d'origine marine ne date pas d'hier. L'usine marémotrice de la Rance, près de Saint-Malo, en Bretagne, par exemple, fut inaugurée dès 1966 par le général de Gaulle. Aujourd'hui, les contraintes environnementales sont telles qu'il serait impossible de reconstruire un tel barrage de plus de 300 mètres. Les chercheurs s'orientent donc vers de petites unités de production pouvant être installées à quelques kilomètres des côtes. Plusieurs possibilités ont été explorées : les hydroliennes exploitent les courants sous-marins, les pompes à chaleur tirent profit des différences de température entre la surface et le fond... Mais les machines houlomotrices (transformant la houle en électricité) semblent les plus prometteuses.

« L'impact sur l'environnement est plus faible », affirme Jason Bak, président de Finavera Renewables, à Vancouver, au Canada, dont les bouées devraient produire de l'électricité au large de la Californie à partir de 2012. « En termes de ressources disponibles, les vagues représentent le plus gros potentiel de production », explique Hakim Mouslim, ingénieur de recherche au Laboratoire de mécanique des fluides, rattaché à l'Ecole centrale de Nantes et au CNRS ; il appartient à l'équipe qui élabore le Searev (système électrique autonome de récupération des vagues). Il s'agit d'un système dit « flottant », l'un des quatre types de machines existants (lire ci-contre). Un cylindre semi-immergé de 1.000 tonnes contient un énorme pendule dont les oscillations alimenteront, via des moteurs hydrauliques, des générateurs. Il sera testé en 2009 ou 2010, sans doute au large du banc de Guérande, en face du Croisic.

Depuis le début des années 2000, les hausses successives du coût des énergies fossiles et les inquiétudes pour l'environnement ont donné un coup d'accélérateur aux travaux sur la houle. Surtout, les nouvelles technologies _ informatiques ou autres _ ont permis de mettre au point des machines beaucoup plus performantes et résistantes. « Grâce aux logiciels de simulation, l'université de Munich, en Allemagne, a pu mettre au point pour nous des turbines beaucoup plus efficaces, capables de travailler avec moins de 5 mètres d'eau dans le réservoir », s'enthousiasme Hans Christian Soerensen, président de Wave Dragon, une société danoise dont le premier prototype à l'échelle 1 de machine à déferlement devrait être mis à l'eau l'année prochaine dans le comté de Pembroke, au sud-ouest du pays de Galles, sur les rives de la mer d'Irlande.

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Trop de concepts
« Pour notre part, nous nous inspirons des dernières techniques mises au point par l'industrie pétrolière, les chantiers navals et la pêche », détaille Ted K. A. Brekken, professeur en systèmes d'énergie à l'université de l'Oregon, aux Etats-Unis, qui a testé à l'automne dernier une bouée avec un générateur linéaire. « Tous les éléments de notre bouée en contact avec la mer sont en fibres de verre. Et la connectivité provient de l'exploitation offshore. » Malgré toutes ces avancées, la production d'électricité en grande quantité à partir des vagues n'est pas pour demain. « Nous avons plus de vingt ans de retard sur l'énergie éolienne », avoue Ted K. A. Brekken.

Aujourd'hui, le prix de revient de l'électricité produite par une turbine éolienne de 1 mégawatt peut tomber à 4,1 centimes d'euro le kilowattheure. L'énergie houlomotrice en est très loin... Par exemple, l'objectif du Searev est d'arriver à un coût de production inférieur à 15 centimes d'euro le kilowattheure, tarif auquel EDF rachètera vraisemblablement l'électricité produite en mer. Pour devenir rentable, la filière vagues devra faire le ménage. Trop de concepts se partagent en effet les financements publics, alors que l'industrie éolienne a depuis longtemps concentré son choix sur les turbines à trois pâles. Autre souci : le raccordement électrique aux installations à terre. « Nous devons utiliser des câbles enfouis à plus de 1,20 mètre, explique Hakim Mouslim. Soit plus de 200.000 euros le kilomètre de câble ensouillé ! »

Heureusement, il existe un domaine dans lequel l'énergie houlomotrice a pris de l'avance : la concertation avec les autres utilisateurs du domaine maritime, tels que les pêcheurs ou les plaisanciers. En France, des réunions ont ainsi eu lieu dès le début de cette année avec les pêcheurs. « Les comités locaux de pêcheurs de La Turballe et du Croisic ont été consultés pour définir avec les pouvoirs publics une zone d'essai qui ne gêne pas leur activité », reconnaît Hugues Audret, président du comité régional des pêches maritimes et des élevages marins des Pays de la Loire. « C'est un exemple de concertation bien faite. » Serait-ce de bon augure pour la filière énergie des vagues ?

JACQUES HENNO

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