À la découverte de l'ermitage de Saint-Thibaut à Marcourt
Un lieu plein de mystères, pour les amateurs d’histoires religieuses et de randonnées.
- Publié le 09-10-2021 à 13h23
- Mis à jour le 09-10-2021 à 13h28
Par Florence Pirard / Photos Guy Focant
Située au nord de la province du Luxembourg, dans l’arrondissement de Marche-en-Famenne, la commune de Rendeux est traversée en son centre par l’Ourthe, dont la vallée est tantôt étroite et encaissée, tantôt large et accompagnée d’une plaine alluviale. Son territoire, qui s’étend entre la dépression de la Famenne et les hauts plateaux ardennais, présente un paysage formé de replats et de collines boisées, découpé par les vallées d’affluents secondaires descendant des sommets. Ces caractéristiques géographiques confèrent à l’endroit un charme tout particulier qui attira les hommes dès les temps les plus reculés.
Sur la rive gauche de l’Ourthe, on trouve une montagne portant le nom de Montaigu (du latin mons acutus), qui domine la vallée face au village de Marcourt. À son sommet, un étroit promontoire, naturellement défendu par trois pentes très abruptes, s’avance en proue au-dessus de la vallée, offrant une position défensive remarquable. Cette montagne a donné son nom aux comtes de Montaigu, ainsi qu’à la forteresse qui leur servit autrefois de résidence.
La tradition orale rapporte l’existence au sein de cette forteresse d’une chapelle dédiée à saint Thibaut. Au XVIIe siècle, le curé Charles Jamotte (1611-1674) en retrouve « l’autel encore tout entier sous les ruines d’une vieille tour carrée, à l’extrémité de la montagne vers Marcour ». Après la destruction de la forteresse, le culte voué à saint Thibaut ne disparaît pas pour autant. Vers 1600, à l’occasion d’une guérison miraculeuse, une croix de bois est plantée sur la pente de la montagne aux environs de la fontaine. Au pied de celle-ci, les pèlerins viennent prier et implorer le secours du saint pour guérir leurs infirmités. Ils y gravent leurs noms et en détachent des fragments qu’ils emportent en souvenir.
En 1622, le comte de Rochefort, Jean-Théodore de Loewenstein (1585-1644), et son épouse Josine de la Marck (1587-1626) décident de faire ériger une petite chapelle. Mais à la suite du décès en 1626 de la comtesse, âgée seulement de 36 ans, cette idée est abandonnée. En 1636, le curé de Marcourt, Charles Jamotte, reprend le projet du comte de Rochefort et de son épouse pour répondre au souhait des habitants de voir ériger une chapelle.
Ayant obtenu l’autorisation de la construire à l’emplacement de l’ancien château de Montaigu, il fait araser les ruines de la tour carrée, qui renfermait autrefois la chapelle castrale, et pose les fondations du futur édifice. Le 1er juillet 1639, jour de la fête de saint Thibaut, il y célèbre une messe sur un autel portatif couvert de feuillages. La publicité faite autour de cette cérémonie ayant attiré de nombreux fidèles, les offrandes collectées ce jour-là et les jours suivants permettent au curé de bâtir la chapelle en très peu de temps. Par la suite, le curé de Marcourt y fait accoler une petite maisonnette pour accueillir un ermite. La chapelle est consacrée le 27 septembre 1660 par Jean-Antoine Blavier, suffragant de l’évêque de Liège.
Au début du XVIIIe siècle, l’ermite de Saint-Thibaut était nommé par un représentant des comtes de Loewenstein, ce qui laisse penser que la gestion de l’ermitage relevait à cette époque des comtes de Rochefort. Deux siècles plus tard, cette nomination était confiée au curé d’Hodister. La principale fonction de l’ermite consistait à garder et à entretenir le sanctuaire. Il ne touchait aucun traitement et devait pourvoir à sa survie au moyen des aumônes des fidèles et d’un petit potager proche de sa demeure. À Saint-Thibaut, le gardien était par ailleurs chargé de sonner la clochette de la chapelle les jours d’orage, ce tocsin ayant pour but de préserver les récoltes des environs de la grêle et de la foudre.
La reprise du culte voué à saint Thibaut sur la montagne de Montaigu semble trouver son origine près de la fontaine située en contrebas de la chapelle, dans le creux d’un petit vallon ombragé. C’est en effet à cet endroit que le père de Laurent de Marcourt plante une première croix vers 1600, en remerciement pour la guérison de son fils : amené à proximité de la source, le jeune garçon impotent, âgé de 8 ou 10 ans, recouvre en effet l’usage de ses jambes et regagne sa maison en courant. Cette guérison attire de nombreux pèlerins qui s’y lavent, boivent de son eau dite miraculeuse et en emportent chez eux pour soulager leurs maladies. L’eau de la source – qui ne tarissait jamais, même par grand froid – se jetait jadis dans un bac en pierre. Ce dernier a été remplacé dans les années 1990 par une pierre de marbre rouge, dans laquelle sont taillées plusieurs petites vasques qu’elle doit emprunter pour s’échapper.
Le culte de Saint-Thibaut
À la suite de la construction de la chapelle, la dévotion envers saint Thibaut ne cesse de croître et les fidèles se rendent en grand nombre sur la montagne de Montaigu à l’occasion des pèlerinages des 25 mars (fête de l’Annonciation), 3 mai (jour de l’Invention de la Sainte Croix) et 1er juillet (fête de saint Thibaut). De nos jours, seuls les pèlerinages de mai et de juillet ont été maintenus et sont encore célébrés le premier samedi de ces deux mois.
Autrefois, le pèlerinage du 3 mai était certainement le plus fréquenté : on y venait de Saint-Hubert, de Bastogne, de Bouillon et de Rochefort. À cette occasion, les alentours de la chapelle accueillaient de nombreux marchands de souvenirs proposant cartes postales, médailles, chapelets et autres statuettes. On y voyait des boiteux, des estropiés, des pieds-bots, des perclus et des enfants ayant des jambes faibles ou paralysées portés par leurs parents, car le pèlerinage était célèbre surtout pour la guérison des infirmités des jambes et des pieds. Après la messe solennelle, les reliques de la Sainte Croix et de saint Thibaut étaient portées en procession autour de la butte, puis vénérées par les pèlerins. Les prières se poursuivaient aussi au sommet du calvaire et au monument.
Enfin, sur le chemin du retour, certains s’arrêtaient encore à la source pour y puiser un peu d’eau ou faire quelques ablutions. La célébration religieuse était souvent suivie de réjouissances plus populaires, en contrebas de la montagne, à l’entrée du village de Marcourt. Les carrousels à balançoires y attendaient les enfants, et les cafés, les adultes en quête de boissons plus spiritueuses que spirituelles. Le sacré et le profane se mélangeaient ainsi dans une douce communion où chacun trouvait son contentement.
Organisez votre visite
La chapelle. Elle est ouverte à l’occasion des deux pèlerinages annuels célébrés le premier samedi des mois de mai et de juillet (messe à 11 heures). Elle est aussi ouverte pour la célébration de la fête de la Saint-Hubert, organisée sur le site par le manège de la Golette (Rendeux-Haut) au début du mois de novembre. En fonction de leur disponibilité, les gardiens ouvrent également l’édifice souvent le week-end, et parfois en semaine, à partir du mois de mars jusqu’à la mi-novembre. L’accès peut se faire aussi sur réservation pour des groupes de minimum dix personnes. Dans ce cadre, une visite guidée peut être prévue. La demande doit être communiquée un mois à l’avance.
Amateur de randonnée ? Marcheurs infatigables, Martin de Tours et Thibaut de Provins continuent encore aujourd’hui à faire l’objet de pèlerinages. Cette randonnée a été conçue avec l’association Églises ouvertes. Le point de départ de la balade se situe dans le parking devant l’église Saint-Martin de Marcourt. Vous pouvez suivre avec précision chaque tronçon du parcours sur votre smartphone grâce à l’application Cirkwi. Distance totale : 9 km. Dénivelé total : 230 m.
INFOS
Royale asbl Chapelle et Ermitage Saint-Thibaut
saintthibaut.marcourt@outlook.be – www.stthibaut.be
Royal Syndicat d'initiative Marcourt-Beffe, rue des Martyrs 25 à 6987 Marcourt 084 477 791 – info@marcourt-beffe.be – www.marcourt-beffe.be
Pour la randonnée : www.openchurches.eu
UN PEU DE LECTURE
Réédité il y a quelques semaines, le Carnet n°61 de la collection des Carnets du patrimoine est entièrement consacré à l’ermitage de Saint-Thibaut et au site de Montaigu. Illustré de belles photographies et de documents anciens, il vous invite à découvrir ce lieu bucolique. Si vous souhaitez acquérir cette publication, n’hésitez pas à contacter le 081 23 07 03 ou publication@awap.be. Elle est également en vente dans de nombreuses librairies.
« L’Ermitage de Saint-Thibaut et le site de Montaigu », Agence wallonne du Patrimoine, 2021, 64 pages, 5 euros.