Liège

Seraing : la Cristallerie du Val Saint-Lambert menace de se délocaliser

La cristallerie a installé un four provisoire dans le bâtiment du showroom

© RTBF – François Braibant

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Par François Braibant avec David Leloup (Le Vif)

Si c’est trop cher, nous pouvons aller fabriquer nos vases en cristal ailleurs ! Voilà ce que répond la Cristallerie du Val Saint-Lambert aux curateurs du Cristal Park. La Cristallerie est locataire de son usine. Les murs, eux, appartenaient à Immoval, l’une des sociétés en faillite du Cristal Park. Les curateurs veulent vendre ces bâtiments. Il s’agit d’en tirer de l’argent pour rembourser les créanciers qui ont investi dans le projet raté du Cristal Park. La curatelle a très logiquement contacté la cristallerie locataire.

Il pleut dans le showroom

La cristallerie est-elle intéressée à devenir propriétaire de son usine ? Ça dépend à quel prix. Si c’est trop cher, elle peut aussi déménager sa production. "On a discuté avec les curateurs. Pour l’instant, nous ne sommes pas immédiatement intéressés" répond Pierre Chevalier, président du conseil d’administration de  Val Saint-Lambert SA - c'est-à-dire de la cristallerie - et représentant de l’homme d’affaires Georges Forrest, qui en est le propriétaire.

"Ce serait racheter des bâtiments totalement vétustes" soupire l’administrateur-délégué de la cristallerie André Houet. "Il y a d’énormes travaux à faire dedans. On devrait refaire complètement le toit. Il y a des murs qui s’écroulent, il n'y a plus de chauffage, il pleut régulièrement dans le showroom etc. C’est un bâtiment qui a priori devrait être démoli".

Le showroom
La vieille usine à vendre

André Houet ne ferme pas de manière définitive la porte à un rachat : "C’est une possibilité à condition que le prix soit très très très très raisonnable, je dirais quasiment le prix du terrain. Si les montants demandés sont importants, et qu’il faut leur ajouter de gros travaux, ce ne sera pas économiquement raisonnable".

D’autres cristalleries ont délocalisé

Déménager la production ailleurs a été envisagé dans le passé. "D’autres cristalleries l’ont fait. C’est quelque chose qui ne ferait pas plaisir du tout aux autorités communales. La Cristallerie, le Val Saint-Lambert, c’est le bébé de Seraing. C’est envisageable, ça a été envisagé, ça l’est toujours. Nous ne sommes pas obligés de rester dans l’environnement". Pierre Chevalier renchérit : "Nous sommes propriétaires de la marque Val Saint-Lambert. Donc on peut transférer l’activité où on veut, en Brabant wallon, dans le Hainaut ou même en Flandre".

Tout ceci est une conséquence du plantage du Cristal Park. La faillite du propriétaire de ses murs et la perspective d’une vente des bâtiments mettent la Cristallerie en difficulté. Elle louait les lieux à titre gratuit nous explique André Houet. C’était prévu par la convention de reprise de la société. Le propriétaire des murs, Immoval, aujourd’hui en faillite, devait construire une nouvelle usine pour la Cristallerie. Le showroom devait s’installer dans le château, bien plus prestigieux. "La promesse n’a pas été tenue. Ça a été reporté de date en date". La location gratuite faisait pourtant partie du business plan de la cristallerie. C’est l’un des éléments qui devait lui permettre d’être rentable, ce qu’elle n’est pas.

La Cristallerie pourra-t-elle perdurer ?

"Toute cette structure tient depuis la reprise uniquement grâce à des apports de fonds systématiques de l’actionnaire principal monsieur Forrest. Et parfois deux fois l'an. Une société qui ne survit, année après année, que par des apports de l’actionnaire, économiquement parlant, c’est un non-sens". La perspective d’être obligé de devoir investir pour racheter des bâtiments en quasi-ruine ne fait pas sourire l’actionnaire, ni le directeur qui aujourd’hui est "en pleine réflexion sur une continuité ou pas", mais précise collaborer "avec la Ville qui ne souhaite pas voir disparaître la cristallerie, pour voir quelles solutions on pourrait envisager en commun".

Trouver d’autres acheteurs pour les bâtiments que la cristallerie qui les occupe risque de ne pas être facile. Et il est douteux que la vente rapporte de quoi rembourser tous les créanciers du Cristal Park en faillite. L’ensemble des créances dépassent 28 millions (total pour Valinvest et Immoval). Dans la demande d’autorisation de mise en vente que la curatelle a adressée au tribunal de l’entreprise, document que la RTBF et le Vif ont pu se procurer, à côté du showroom et du bâtiment dit "cristallerie", figurent aussi plusieurs petits morceaux de pâtures et de chemins du côté de Villencourt, plus un captage d’eau situé sur la commune de Flémalle, entre la ligne de chemin de fer et la chaussée d’Ivoz.

Tout sera à vendre, la Ville intéressée

La curatelle ne va pas se limiter à ces lots. Toutes les propriétés d’Immoval et de Valinvest doivent être vendues. En plus du showroom et de l'usine, il y aura la maison Deprez, l’abbaye et la maison des étrangers. La Ville de Seraing est officiellement intéressée. Elle se dit sensible à l’aspect patrimonial. La maison Deprez pourrait être utilisée comme bâtiment public. Il a été longtemps question d’y mettre la salle des mariages et le conseil communal. Un panneau sur le site l'annonce, d'ailleurs, mais cette maison Deprez est laissée en friche depuis de longues années.

Si la Ville rachète cette maison, plus l'abbaye et la maison des étrangers, ça veut dire qu’au bout du fiasco du Cristal Park, elle va dépenser de l’argent pour récupérer les biens de sociétés en faillite… dont elle était elle-même l’actionnaire, donc des biens qui lui appartenaient déjà indirectement. C’est un peu le serpent qui se mord la queue, mais l’échevine Crapanzano botte en touche : "ça veut dire que la Ville ne cesse de prendre ses responsabilités".

Et les terrains constructibles ?

Reste la question épineuse des bois et des terrains constructibles autour de la vieille usine. Ce sont eux qui ont le plus de valeur. Ils ne sont pas, pour l’instant, mis en vente. La question pour l'instant est : "à qui appartiennent-ils ?" A la Ville de Seraing et à la Maison sérésienne qui sont les propriétaires initiaux ? Des promesses de vente ont été signées avec Immoval, puis transférées aux sociétés filiales ("SPV") du Cristal Park, mais jamais payées par personne. La Ville et la maison sérésienne estiment que ces terres leur appartiennent toujours. La question reste pendante. Le collège des curateurs doit encore déterminer sa position à propos de la propriété de ces terrains. 

Les sociétés Immoval et Valinvest en faillite doivent ensemble plus de 28 millions d’euros à leurs créanciers. Dont la moitié prioritairement à Ogeo Fund, le fonds de pension public des intercommunales liégeoises Enodia, Cile, AIDE, IILE, etc. Ogeo Fund va donc tout rafler des ventes qui seront réalisées dans les mois qui viennent par la curatelle. Les autres créanciers, dont l'architecte Christian Sauvage, risquent bien de rester sur le carreau. Car c’est la valeur du Cristal Park construit qui devait permettre de les rembourser. Et comme aucun nouveau bâtiment n’est sorti de terre en vingt ans de promesses, il y aura finalement qu'assez peu d'argent à récupérer. Et le fruit de toutes ces ventes ne devrait pas permettre d’atteindre les 14 millions d’euros dûs à Ogeo Fund.

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