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Origine de la vie : nos cellules viennent de la fusion des premières bactéries

Publié le 10 Déc 2021 à 13H00 Modifié le 10 décembre 2021
L’habitat des nos ancêtres
On admet que l'éclosion de la vie sur Terre s'est produite une seule fois, et que la diversité actuelle découle des lois de l'évolution. Mais la différence entre les premiers êtres unicellulaires et nous est telle qu'on cherche des preuves de cette filiation. Des scientifiques viennent d'en exhumer une de poids.

Une fois n’est pas coutume : parlons de la vie. Plus précisément, de son origine sur Terre… On sait que les premières cellules vivantes (organismes unicellulaires), apparues voici au moins 3,7 milliards d’années, ne sont pas de même nature que les cellules des organismes multicellulaires complexes qui forment les grands règnes de la vie : les plantes et les animaux.

Cette première forme de vie très simple et unicellulaire, nommées procaryote, a régné sans partage pendant un milliard d’années, sans beaucoup évoluer. Et elle demeure aujourd’hui quasiment identique à ce qu’elle était au début – comme dans le cas des archées (ou archéobactéries).

Puis voici quelque 2,7 milliards d’années sont apparues les cellules « modernes », nommées eucaryotes, qui au fil des âges se sont diversifiées, se sont assemblées pour former des organismes multicellulaires, conduisant à l’explosion de la diversité des espèces il y a environ 540 millions d’années (explosion du Cambrien) d’où nous sommes issus.

Il est logique de penser que l’évolution des cellules procaryotes a conduit à l’apparition des eucaryotes. Mais les biologistes n’ont pas encore réussi à élaborer le film des évènements et ils peinent à relier les caractéristiques des procaryotes et des eucaryotes afin d’établir une narration linéaire de cette transformation essentielle.

Or une équipe de chercheurs vient de trouver un lien, le premier aussi robuste, entre les deux types de cellules, montrant comment certaines caractéristiques ont été transmises des procaryotes aux eucaryotes. Ils confirment par-là le scenario de la création des eucaryotes : ils résulteraient de l’assimilation de petits procaryotes par de plus grands. Une sorte d’autophagie créatrice…

Des formes de vie si différentes

Si l’identification du passage des procaryotes aux eucaryotes est si importante, c’est que bien des choses séparent ces deux formes de vie. Les procaryotes ne possèdent pas de noyau cellulaire renfermant leur code génétique (ADN) contrairement aux cellules eucaryotes. Et il leur manque aussi les organites, comme les mitochondries, qui participent à la machinerie cellulaire complexe de nos organismes.

Surtout, les cellules procaryotes se reproduisent sans partenaires (reproduction asexuée) par simple copie : la cellule grandit tandis que son ADN se duplique, puis une division apparaît au milieu de la cellule laquelle finit par la scinder en deux. La copie pure et simple sans mélange génétique avec d’autres individus explique le très faible taux de mutation au travers des générations.

Le passage de l’une à une autre forme a donc libéré un potentiel énorme – c’est peut-être l’évènement le plus important dans l’histoire de l’évolution. D’où l’intérêt des chercheurs à comprendre comment cela a pu se passer.

Nos ancêtres… dans une mare acide à 75 °C

Concrètement, les chercheurs ont investigué les mécanismes d’une archée – donc une cellule procaryote – nommée Sulfolobus acidocaldarius, qui prospère dans les sources chaudes acides à environ 75 °C. Et ils ont alors découvert que nous (les eucaryotes) avons reçu des procaryotes leur machine à division cellulaire. La première preuve si concrète que nous descendons bien des procaryotes.

Cette preuve se situe au niveau des protéasomes : des ensembles d’enzymes qui forment dans les cellules de petites structures de quelque 150 Angström (10^-10 mètre) en forme de baril creux et qui sont considérés comme les poubelles de recyclage des déchets cellulaires. Ces barils très spécialisés absorbent des protéines mal repliées ou défectueuses baignant dans la cellule pour les découper et recycler leurs fragments (acides aminés), que la cellule peut alors réutiliser.

On sait déjà que les protéasomes, outre leur rôle de recycleurs, participent à la réplication de nos cellules, coupant des chaines protéiques ci-et-là pour permettre leur duplication, mais on ignorait jusqu’ici qu’ils participent également à la duplication des cellules procaryotes. Grâce à un travail fin d’analyse et manipulation génétique, cette fonction a été mise en lumière par les chercheurs.

Pourquoi est-ce si important ? Les protéasomes des archées sont très semblables aux nôtres, dans leur composition chimique et leur fonctionnement, et pour les chercheurs cela ne peut avoir qu’une explication : les archées nous les ont apportés. Les eucaryotes les auraient alors utilisés pour mettre en place leur propre mode de réplication.

Ainsi, le scénario se renforce : les eucaryotes seraient nés d’un partenariat symbiotique entre un hôte archéen et une autre bactérie procaryote (une alphaprotéobactérie), donnant respectivement naissance au corps cellulaire et aux mitochondries – les organites des cellules, qui produisent de l’énergie à partir des glucides. « Notre étude suggère, concluent les chercheurs, que le rôle vital du protéasome dans le cycle cellulaire de toute vie eucaryote aujourd’hui a ses origines évolutives dans les archées.  »

Source : Science, août 2020

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