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Les Paralympiques changeront-ils le regard sur le handicap au Japon ?

Les Jeux paralympiques de Tokyo
Les Jeux paralympiques de Tokyo KAZUHIRO NOGI / AFP

Les Jeux paralympiques qui se tiendront du 25 août au 6 septembre permettront-ils aux mentalités d'évoluer dans l'archipel nippon ?

Même si les Jeux paralympiques de Tokyo, qui s'ouvrent mardi, se tiendront quasiment à huis clos à cause de la pandémie, beaucoup au Japon espèrent que l'événement sera un «tremplin» pour améliorer l'inclusion des personnes handicapées dans la société nippone. «C'est un événement précieux», dit à l'AFP Masaaki Suwa, un para-canoéiste japonais de 35 ans. Les paralympiens «accomplissent de grandes choses, mais ce ne sont pas des super-héros. Je veux que les gens sachent qu'ils sont des êtres humains, comme n'importe qui», ajoute ce para-athlète regrettant de n'avoir pas pu se qualifier pour les Jeux.

Depuis l'attribution des Jeux à Tokyo en 2013, le Japon s'est surtout efforcé d'améliorer l'accessibilité dans les transports publics notamment, mais celle-ci était déjà élevée auparavant dans ce domaine par rapport à de nombreux autres pays. À titre d'exemple, des ascenseurs sont désormais installés dans 96% des stations de métro et gares à Tokyo, contre 91% en 2013. Mais ces progrès quantitatifs masquent des barrières invisibles toujours élevées pour la pleine intégration des personnes en situation de handicap dans la société japonaise.

Un faible quota dans le monde du travail

«En termes de nombre d'installations accessibles, le Japon apparaît avancé» dans ce domaine, reconnaît Miki Matheson, une responsable de la délégation japonaise aux Paralympiques. Mais «je suis souvent traitée comme une personne handicapée lorsque je suis de retour au Japon», remarque cette ancienne para-athlète triple médaillée d'or en luge aux Jeux paralympiques de Nagano en 1998, qui vit aujourd'hui au Canada. «Là-bas, je vis sans remarquer du tout mon handicap», explique encore cette femme de 48 ans se déplaçant en fauteuil roulant.

Les personnes handicapées sont toujours largement exclues du monde du travail au Japon : un quota d'à peine 2,3% d'employés avec handicap est prévu pour les entreprises à partir d'une quarantaine de salariés. Et au lieu de montrer l'exemple pour le secteur privé, de nombreux ministères et agences de l'État avaient artificiellement gonflé leurs ratios de travailleurs handicapés, un scandale pour lequel le gouvernement s'était excusé en 2018.

Impact du huis clos ?

Motoaki Fujita, un professeur en sociologie du sport à l'université Nihon Fukushi près de Nagoya (centre du Japon), pense que la société nippone est devenue plus inclusive qu'avant mais que ce changement est «encore marginal». Environ 57% des personnes sondées par son équipe de recherche en 2020 estimaient que les gens avec un handicap étaient des êtres fragiles et éprouvaient des difficultés à vivre avec des personnes valides, contre 61% lors d'un sondage identique en 2014.

Les Jeux paralympiques sont une très bonne opportunité de changer les mentalités.

Shigeo Toda

«Les Jeux paralympiques sont une très bonne opportunité de changer les mentalités», déclare Shigeo Toda, un responsable d'un institut de recherche de Tokyo étudiant les modes de vie avec le handicap. «Mais on ne peut pas s'empêcher de penser que la dynamique pourrait s'affaisser si les gens ne peuvent pas y assister en personne», prévient ce chercheur.

Les Paralympiques se dérouleront pratiquement sans spectateurs du fait de l'actuelle vague record de Covid-19 au Japon. Organisateurs et autorités locales souhaitent toutefois que des écoliers y assistent, si leurs parents et établissements scolaires y sont favorables. Saki Takakuwa, une sprinteuse paralympique japonaise de 29 ans, a confié ses doutes au quotidien nippon Mainichi : «Comparé aux Jeux précédents, c'est difficile pour moi d'espérer que les gens vont ressentir quelque chose» en étant absents des sites de compétition.

Dans un récent entretien à l'AFP, le président du Comité international paralympique (CIP) Andrew Parsons a lui aussi reconnu que le huis clos représentait un «défi», tout en voulant croire que la portée des Jeux de Tokyo resterait «incroyable» malgré tout. «Nous croyons pouvoir toucher plus de quatre milliards» de téléspectateurs, «nous toucherons plus de nations et plus de gens que jamais», y compris au Japon, a-t-il assuré.

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7 commentaires
  • mamyblues

    le

    D'un pays à un autre la culture , l'histoire est différente, la religion également , dans l'un c'est la force physique qui prime dans un autre , tout autre chose .
    L'honneur a beaucoup d'importance , être le premier , tout est possible dans les combinatoires .
    Il faut laisser au temps de faire son œuvre .

  • Ping et Pong

    le

    Avoir un enfant handicapé en Corée du Sud est considéré comme une malédiction. Il faut le cacher… Une honte pour ce pays.

  • bruno f

    le

    Les handicapé physiques sont peut-être exclus, mais j’ai été plusieurs fois frappé au Japon par le fait que les handicapés mentaux, ou au moins les trisomiques, n’étaient pas cachés comme chez nous et occupaient des emplois au contact du public, notamment dans les galeries commerciales où on les voit fréquemment. J’ignore si c’est mieux pour eux que de rester « entre eux », mais cela montre quand même un certain effort d’intégration.

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