Endométriose et grossesse

C’est souvent au cours d’examens gynécologiques réalisés dans le cadre d’un bilan de fertilité que de nombreuses femmes découvrent qu’elles sont atteintes d’endométriose. Pour autant, le sujet de l’infertilité associée à l’endométriose est bien trop vaste pour être traité simplement ici. Nous vous proposons de l’aborder au travers de 2 questions très fréquemment posées.

Est-ce que la grossesse guérit l’endométriose ?

La complexité du fonctionnement hormonal de la femme, et qui plus est de la femme enceinte, est sans doute à l’origine de la confusion qui entoure cette question. Pour apporter une réponse plus fournie et nuancée, il faut observer ce qui se passe dans le corps de la femme lorsqu’une grossesse s’installe.

La grossesse influence l’intensification ou la diminution des symptômes d’endométriose…

Dès l’implantation de l’embryon, les taux d’œstrogène et de progestérone (les principales hormones ovariennes, dont l’influence sur l’endométriose est majeure) augmentent, ce qui stoppe la dégradation de la muqueuse utérine. Durant cette période, et globalement au cours du 1er trimestre de grossesse, l’augmentation de ces 2 hormones peut exacerber les symptômes d’endométriose.

Ensuite, pendant la grossesse, c’est la production importante de progestérone qui va avoir des conséquences sur l’endométriose, en envoyant un double signal : l’un aux cellules de l’endomètre, pour qu’elles arrêtent de proliférer et de se différencier. L’autre aux ovaires pour qu’ils n’ovulent pas, ce qui entraîne une diminution de la production d’estradiol. L’estradiol, une des formes naturelles de l’œstrogène, est un facteur de croissance majeur des cellules endométriales.

L’ensemble de ces phénomènes va généralement permettre, jusqu’à l’accouchement, une diminution et même une disparition des symptômes d’endométriose.

Toutefois, une fois que les cycles hormonaux reprennent, les symptômes réapparaissent chez la plupart des femmes. Il n’existe pas à ce jour de données fiables portant sur la proportion de femmes dont les symptômes d’endométriose disparaissent complètement après une grossesse.

Ainsi certaines femmes peuvent voir leurs symptômes s’améliorer durablement durant la grossesse et après l’accouchement. L’explication reportée : les cycles croissance-saignements-cicatrisation ont été brisés, permettant finalement aux lésions d’endométriose de guérir mais là encore peu de données existent sur les mécanismes susceptibles de contribuer à la diminution ou la disparition des symptômes après une grossesse.

… Mais n’est en aucun cas une solution thérapeutique !

Vous le voyez, l’impact d’une grossesse sur l’endométriose diffère selon le stade de grossesse mais aussi et surtout selon chaque patiente. La réponse à la question « Est-ce que la grossesse peut guérir l’endométriose ? » doit donc être nuancée. Chez certaines femmes, la grossesse soulage les symptômes d’endométriose et peut même stopper durablement le cycle de la maladie. Mais la grossesse ne doit en aucun cas être considérée comme une solution thérapeutique pour l’endométriose. Fort heureusement, les médecins aujourd’hui sont de moins en moins nombreux à tenir ce type de propos.

Quand on a de l’endométriose, est-ce qu’une grossesse présente plus de risques ?

Malheureusement, oui. Rappelons tout d’abord que l’une des problématiques essentielles liées à l’endométriose est la difficulté à être enceinte. La fécondation tout comme la nidification peuvent être entravées directement ou indirectement (en raison par exemple de la formation d’adhérences susceptibles d’immobiliser certains organes tels que les trompes et empêcher leur fonctionnement normal) par la maladie.

Plus l’atteinte d’endométriose est importante, plus la grossesse peut se faire attendre.

L’endométriose impacte la fécondité à proprement parler. C’est le constat qui émerge des données de la National Society of Endometriosis (Grande-Bretagne). Celles-ci rapportent, en excluant d’autres causes possibles d’infertilité, que :

  • Sur 100 femmes sans endométriose qui essaient de concevoir, 84 d’entre elles seront enceintes au terme de la première année.
  • Sur 100 femmes souffrant d’endométriose de stade peu élevé, 75 d’entre elles seront enceintes au terme de la première année.
  • Sur 100 femmes souffrant d’endométriose de stade intermédiaire, 50 d’entre elles seront enceintes au terme de la première année.
  • Sur 100 femmes souffrant d’endométriose de stade avancé, 25 d’entre elles seront enceintes au terme de la première année.

Des grossesses plus compliquées chez les femmes atteintes d’endométriose

Et cela commence par un risque de fausse couche plus important : 25 % chez les femmes atteintes d’endométriose contre 20 % dans la population générale, d’après une étude présentée en 2015 au congrès de l’ESHRE1. « Les résultats montrent que l’endométriose prédispose les femmes à un risque accru de fausse couche très tôt », a souligné le Dr Lucky Saraswat (BMI Albyn Hospital – Aberdeen, Ecosse). La même étude montre des risques de grossesse extra-utérine 3 fois plus élevés par rapport à la population générale (6 % contre 2 %).

Par ailleurs, en fin de grossesse, il est rapporté que l’endométriose ovarienne doublerait le risque d’accouchement prématuré2 pour les grossesses ayant bénéficié d’une aide médicale à la procréation, et augmenterait le risque d’avoir une césarienne3.

Côté positif, une étude4  menée par une équipe de chercheurs de l’Université de Louvain en Belgique semble indiquer que les grossesses survenant après un diagnostic d’endométriose sont associées à un moindre risque de pré-éclampsie5. Ce résultat inattendu n’a pas encore trouvé d’explication complète.

Le bon conseil : s’informer et se préparer pour mettre toutes les chances de son côté.

Ces chiffres peuvent sembler alarmants, mais inutile de paniquer : si les complications de grossesse sont plus importantes chez les femmes atteintes d’endométriose, elles concernent moins de 20 % des grossesses au global dans les pays développés. Une femme atteinte d’endométriose a cependant encore plus intérêt qu’une autre à bien s’informer en amont d’un projet bébé (et cela commence par informer le médecin référent que l’on souffre ou que l’on a souffert d’endométriose) et à s’assurer d’un suivi adapté. Les progrès continus en matière de procréation médicalement assistée, combinés avec une prise en charge par des équipes médicales pluridisciplinaires permettent d’améliorer considérablement la fertilité de nombreuses patientes.

  1. European Society of Human Reproduction and Embryology
  2. Étude menée par l’équipe du Pr Healy de l’université de Melbourne, 2009. Fertility and Sterility, Vol 9, No 2, pp 325-330 (2009)
  3. Fertility and Sterility, Vol 104, No 4, 2015, pp 802–812.
  4. Human Reproduction, Vol 22 No 6, 2007, pp. 1725-1729
  5. La pré-éclampsie est hypertension artérielle gravidique (HTA) qui apparaît dans la deuxième moitié de la grossesse (après 20 semaines d’aménorrhée), associée à une protéinurie. La pré-éclampsie concerne un peu moins de 5 % des grossesses. Il s’agit d’une cause majeure de mortalité maternelle dans les pays en voie de développement. Son incidence tend à augmenter dans les pays développés, probablement en rapport avec les facteurs de risque tels que l’âge de la mère, l’obésité, le diabète, les maladies rénales…
  6. OMS 2015 : http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs348/fr/

 


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