Basket : Manu Key, un pionnier du rap sur le banc de Vanves

Anonyme coach-assistant de Sylvain Mousseau à Vanves, promu en N1, Manuel Coudray a été une référence du rap en France dans les années 90.

 Manuel Coudray, alias « Manu Key », officie sur le banc des basketteurs de Vanves  depuis l’été.
Manuel Coudray, alias « Manu Key », officie sur le banc des basketteurs de Vanves depuis l’été. LP/Icon Sport/Michel Brisset

    La scène se joue fin septembre à Boulogne-sur-Mer mais elle pourrait se répéter dans tous les gymnases où se produisent les basketteurs de Vanves. En plein échauffement des joueurs, l'assistant-coach Manuel Coudray est interpellé par un spectateur venu « juste [le] remercier ». Difficile d'échapper à son passé quand on est un pionnier. Car celui qui est depuis le début de saison l'adjoint de Sylvain Mousseau à Vanves (qui accueille La Rochelle samedi à 20 heures) a participé à l'éclosion du rap et du hip-hop en France. Dans les années 90, Manu Key - son nom de scène - a été l'un des membres fondateurs de la Mafia K'1 Fry (africain en verlant), un collectif de rappeurs issus de quartiers du Val-de-Marne. Compositeur, producteur, arrangeur, grand frère, Key a découvert et collaboré avec les plus grands : le 113, Kery James, Rohff...

    Rencontrer Manuel Coudray (48 ans), c'est donc plonger dans les origines de la culture urbaine alors balbutiante, des débuts de Radio Nova et de MTV Raps dont les K7 VHS se passaient de main en main. A l'époque, le dernier d'une fratrie de 4 frères vit seul avec sa mère dans la cité de Calmette à Orly. Tous les mercredis, avec ses potes Mista Flo, Lil Jahson puis DJ Mehdi, ils « squattent la MJC du quartier » et rêvent d'imiter les rappeurs US. « On s'est pris au sérieux », sourit-il.

    Devenu ami avec Kery James

    Leur réputation gonfle et attire des jeunes qui se pressent derrière les vitres du studio improvisé. Parmi eux un certain Kery James, devenu plus qu'un ami. « Il n'avait que 11 ans, nous 16 ou 17, mais lui avait déjà noirci un cahier entier de textes, indique Manu Key qui a découvert la magie des mots à travers les chansons de Renaud. On représentait la ville et on savait que notre musique allait se développer même si on a pas mal galéré au début. On vivait de petits boulots. Pour se faire connaître, on envoyait nos premiers Maxis aux MJC de France et on organisait nos tournées en fonction des réponses. On avait menti à la ville pour se faire prêter un bus. J'ai touché mon premier chèque de 18 000 francs en 1997, c'était énorme. » Sa mère découvre alors seulement sa passion. Son père, retourné en Guadeloupe, sera, lui, mis au courant en 2002. « Je lui ai ramené le disque d'or d'un album du 113 que j'avais produit, raconte l'intéressé. J'ai même eu ma carte à la Sacem. » En tout, 2 millions d'albums seront vendus à travers les différentes collaborations, 300 000 uniquement pour la Mafia K'1 Fry.

    « C'était une vie de dingue mais malgré les trucs tragiques, les morts, les trafics et les règlements de compte, je ne regrette rien », confie Manu Key

    Depuis 2007, le collectif est en sommeil. « C'était une vie de dingue mais malgré les trucs tragiques, les morts, les trafics et les règlements de compte, je ne regrette rien, avoue le papa de deux filles de 7 et 16 ans. La musique a été un cadeau du ciel. Mais ce n'est pas fini, c'est juste une parenthèse.»

    Une parenthèse dont il profite pour se consacrer à son autre passion : le basket. Un sport découvert par hasard à 16 ans lors d'un match féminin disputé dans le gymnase en bas de chez lui. Là aussi, son flair lui a permis de détecter des talents, dont un certain Lahaou Konaté, devenu international français. Alors qu'il avait arrêté sa scolarité au collège sans rien dire à sa mère, Key redevient Coudray et retourne sur les bancs pour passer ses diplômes de préparateur physique puis de coach. « Ce n'est pas évident, je suis avec des mômes de 25 ou 26 ans mais je me bats car il y a un truc au bout, confie ce fan de « Magic » Johnson.. Je demande des conseils à Kery (James) quand je dois m'exprimer devant un jury. En France, rien ne se fait sans diplôme sauf en musique, je m'en suis donc sorti jusqu'à présent. Je sais que j'ai un parcours atypique avec deux passions dont la première est devenu un métier. J'espère en faire de même avec la seconde. Mon souhait est d'aider des gamins, leur donner les clés pour atteindre leurs rêves. » Comme dans le rap.