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Nucléaire

Nucléaire : la construction de 6 nouveaux EPR en France est-elle réaliste ?

Un rapport polémique, commandé par l'ex ministre de l'environnement Nicolas Hulot et le ministre de l'Économie, préconise la construction de 6 nouveaux réacteurs nucléaires en France. Est-ce vraiment réaliste ?

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L'EPR de Flamanville, le 16 novembre 2016, à Flamanville dans la Manche

L'EPR de Flamanville, le 16 novembre 2016, à Flamanville dans la Manche.

AFP/Archives - CHARLY TRIBALLEAU

Après la démission de Nicolas Hulot, un rapport commandé par ce dernier et le ministre de l'Économie se trouve au centre de l'attention médiatique. Ce dernier, rédigé par un ancien administrateur général du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et un ex-délégué général à l'armement, préconise en effet la construction de 6 nouveaux réacteurs nucléaires de type EPR en France à compter de 2025. De quoi nourrir la controverse, la loi sur la transition énergétique imposant dans le même temps de ramener de 75 à 50% la part de l'atome dans la production d'ici 2025.... 

Des constructions incompatibles avec la loi sur la transition énergétique

Remis cet été au gouvernement et classé "secret défense", le rapport, dont l'existence a été révélée par nos confrères des Échos, suggère que le premier chantier de nouvel EPR pourrait débuter en 2025 et que les suivants débuteraient régulièrement tous les deux ans. La France compte aujourd'hui 58 réacteurs (soit environ 63 gigawatts)

Un nouvel EPR est déjà en construction à Flamanville (Manche) mais ce chantier multiplie les déboires, qui ont entraîné d'importants retards et un triplement de son coût, qui s'élève désormais à 10,9 milliards d'euros. Deuxième écueil : la loi sur la transition énergétique prévoit de ramener de 75% à 50% la part de l'atome dans la production de courant à horizon 2025, même si le gouvernement a déjà indiqué qu'il ne tiendrait pas ce calendrier. Pour réduire la part du nucléaire, des réacteurs devront fermer, et seuls les deux de la centrale de Fessenheim sont actés. La feuille de route énergétique (PPE) de la France pour 2028, attendue d'ici à la fin de l'année, doit donner des précisions sur ce sujet, même si EDF ne souhaite pas fermer d'autres réacteurs avant 2029.

EDF défend la construction d'EPR "simplifiés"

Dans l'optique de ces fermetures, EDF défend aussi la construction de nouveaux réacteurs, des EPR "simplifiés", grâce au retour d'expérience des chantiers en cours. Il a d'ailleurs appelé l'Etat à prendre une décision rapide pour mettre une "première" centrale en service "en 2030 ou peu après". L'ancien ministre de la Transition énergétique Nicolas Hulot y semblait opposé. Dans des propos datant de cet été et publiés le 28 août 2018 par Libération, il a indiqué : "Si je m'en vais, il va y avoir trois EPR de plus dans les prochaines années".

FILIÈRE INDUSTRIELLE. Pour EDF, l'enjeu est avant tout industriel, pour maintenir ses compétences avec des chantiers qui se succèdent, et remporter des marchés à l'étranger. "Avec (le projet de deux EPR à) Hinkley Point il y a eu un petit répit", explique Nicolas Goldberg, du cabinet Colombus Consulting. "EDF a besoin d'un signal clair, d'autant plus qu'on leur a demandé de prendre en charge toute la filière nucléaire", avec le rachat de la branche réacteurs d'Areva, ajoute Matthieu Courtecuisse, président du cabinet Sia Partners. Le 30 août 2018, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a lui temporisé. "La sagesse recommande déjà d'attendre que l'EPR de Flamanville soit achevé avant de prendre des décisions", a-t-il déclaré sur Radio Classique, tout en soutenant l'atome et sa filière industrielle.

"Manque de transparence" sur les coûts industriels de l'EPR

Mais au-delà de l'enjeu industriel, la France a-t-elle vraiment besoin de construire de nouveaux réacteurs pour satisfaire sa consommation de courant, plutôt attendue stable ou en baisse à l'avenir ?"Ce genre de décision doit se prendre en évaluant l'évolution de la consommation. Six EPR, comment cela s'inscrit dans l'équilibre offre-demande à long terme, et comment on intègre ce projet dans le marché européen de l'électricité ?", confie à l'AFP un économiste préférant rester anonyme, pointant aussi le "manque de transparence" des industriels sur le coût de construction d'un EPR.

REMPLACEMENT. Le problème porte en réalité sur le remplacement des réacteurs en fin de vie, qui vont être fermés... avec un impératif de maintien de la production à son niveau. Or, construire une nouvelle centrale prend du temps : "Si on lance de nouveaux réacteurs en 2025, la mise en service c'est 2035, et en 2035 on aura déjà un certain nombre de réacteurs fermés", poursuit Matthieu Courtecuisse. "Il faudrait avoir une croissance du renouvelable beaucoup plus rapide" pour compenser totalement la fermeture de réacteurs, précise Nicolas Goldberg.

Le renouvelable peine à se faire une place sur le réseau

Un point de vue contesté par les acteurs des énergies renouvelables et les associations environnementales, qui affirment que le maintien du nucléaire bloque le développement des énergies alternatives. "On nous dit qu'il faudrait faire des réacteurs nucléaires simplement pour garder de la technologie ou un savoir-faire, mais clairement, il n'y a pas d'argument énergétique", s'indigne Yannick Rousselet de Greenpeace France. "Si on ne fait pas de place sur le réseau pour du renouvelable, il ne se fera jamais", ajoute-t-il.

S.S. avec AFP

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