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Françoise Hardy au JDD : « Jacques Dutronc aura été l’homme de ma vie »

La chanteuse Françoise Hardy, entrée dans le Top 50 JDD des personnalités préférées des Français, se livre avec sincérité. 

Marie-Laure Delorme , Mis à jour le
Thomas Dutronc, Jacques Dutronc et Françoise Hardy sur la terrasse de leur maison de Monticello, en Haute-Corse, en 2003.
Thomas Dutronc, Jacques Dutronc et Françoise Hardy sur la terrasse de leur maison de Monticello, en Haute-Corse, en 2003. © Benoit GYSEMBERGH/PARISMATCH/SCOOP

Elle est auteure-compositrice-interprète. Elle excelle dans chacun de ces domaines. Chansons sur toi et nous (­Équateurs, 2021), qui vient de paraître en poche, réunit ses propres textes de chansons de 1962 (Tous les garçons et les filles) à 2018 (Personne d’autre). Françoise Hardy commente avec acuité certains de ses écrits ; parle de Michel Berger, Jean-Marie Périer, Serge Gainsbourg, Jacques Dutronc ; retrouve ses thèmes mélancoliques sur la recherche de l’amour. Au-delà de ses immenses talents, pourquoi une personnalité aussi singulière et clivante est-elle autant aimée des Français ? Françoise Hardy ne triche pas. Sa beauté, son humilité, sa discrétion. Elle n’est jamais dans la feinte. À cause de la maladie, ses mots sont devenus rares. Françoise Hardy se livre ici avec sa sincérité et sa lucidité de toujours.

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Chansons sur toi et nous est un recueil de vos chansons écrites de 1962 à 2018. Elles sont souvent accompagnées de votre regard rétrospectif. La notion de progrès existe-t‑elle dans la composition de chansons ?
Jusqu’à un certain point. Les textes de mes tout débuts étaient mauvais car je n’avais aucune vie personnelle et mes chansons n’étaient qu’une pâle copie de ce que j’entendais à la radio anglaise. Peu à peu mes chansons sont devenues meilleures car inspirées par un vécu sentimental particulier et douloureux.

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On croise, dans ce recueil, les écrivains Sándor Márai et Marguerite Duras. Appréciez-vous certains écrivains actuels ?
Je n’ai plus le temps de lire et je ne connais pas les écrivains actuels. Quand lire m’était encore possible, j’avais préféré relire Edith ­Wharton et Henry James, mes deux écrivains préférés, ainsi que découvrir ceux de la littérature romantique anglaise du XIXe siècle – avec quelques auteurs masculins et de nombreux auteurs féminins dont George Eliot. Depuis plusieurs années, trop de livres sortent dont beaucoup sont portés aux nues par la critique, ce qui fait qu’on n’a envie d’en lire aucun.

Pour une de vos chansons, Je suis de trop ici, vous expliquez le soulagement de créer quelque chose de beau à partir d’une blessure. Pensez-vous à ce qu’aurait été votre vie sans votre don pour la chanson ?
C’est vous qui m’y faites penser. Faire des chansons est en effet un formidable exutoire pour sublimer de grandes souffrances, mais ma vie personnelle et les chansons qu’elle a inspirées sont indissociables, et je ne peux pas imaginer ce qu’aurait été ma vie sans ça. Évidemment, je n’aurais jamais rencontré Jacques Dutronc, mais ma façon d’aimer aurait sans doute été la même, ce qui m’aurait valu les mêmes déboires.

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Faire des chansons est en effet un formidable exutoire pour sublimer de grandes souffrances

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Comment définir une chanson réussie ?
C’est d’abord une mélodie qui, grande ou petite, doit avoir une magie avec un texte à son service et à sa hauteur.

Nuit d’été, reproduite dans la revue Latitude mer, est une chanson ironique. N’est-elle pas un versant moins connu de votre univers d’artiste ?
Bien que Nuit d’été soit une excellente chanson hélas inconnue, je n’en appréciais pas mon texte qui me semblait trop caricatural et pas gentil. J’ai fait beaucoup de chansons humoristiques dont celles qui me viennent tout de suite à l’esprit sont Où est-il ?, un blues dont j’avais fait paroles et musique, La Sieste sur une mélodie de mon ami Jean-Noël Chaléat, Tabou sur une mélodie de Michel Fugain, etc.

Tant de belles choses a été écrite pour votre fils, Thomas Dutronc. Comment a-t‑il reçu la chanson ?
Thomas était trop bouleversé par ce qui m’arrivait pour pouvoir écouter Tant de belles choses. Jacques par contre a entendu cette chanson à sa sortie et cru qu’elle s’adressait à lui. Il m’avait téléphoné pour me confier que ça lui avait mis les larmes aux yeux et que grâce à ses lunettes et à la fumée de son cigare, il avait pu cacher son émotion à son entourage.

Votre rapport à la mort a-t‑il changé avec la maladie ?
Je pense depuis longtemps que la mort n’est que celle du corps qui appartient au monde matériel, mais pas de l’esprit (de l’âme) que la mort physique libère et qui est d’une autre essence. Cela ne m’empêche pas d’avoir peur de mourir. Pas de la mort elle-même, mais de la terrible souffrance de la séparation d’avec mes proches les plus chers et de la souffrance physique que mourir implique le plus souvent.

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Je suis atterrée qu’il y ait autant d’extrémistes dans mon pays

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À quoi ressemble votre vie aujourd’hui ?
Depuis mes 45 radiothérapies, l’absence définitive de salive et le manque d’irrigation du crâne et de toute la zone ORL ont rendu ma vie cauchemardesque. Je passe au moins cinq heures par jour à m’alimenter et suis toujours menacée d’hémorragies nasales à cause de mes narines trop sèches et ­obstruées malgré l’huile dont je les tapisse plusieurs fois par jour. Une récente hémorragie a encore plus desséché mon arrière-gorge, ce qui me vaut des crises de toux et d’étouffement.

Mais êtes-vous heureuse d’être en vie ?
Pour mon fils et mon mari oui, pour mes amis aussi, mais ma vie est devenue si difficile que j’aimerais parfois partir pendant mon sommeil et ne pas me réveiller.

Comment avez-vous vécu les élections présidentielle et législatives 2022 ?
Mal. Par définition, les idéologies déconnectent des réalités, celles de l’extrême droite et de l’extrême gauche bien plus encore. Je suis atterrée qu’il y ait autant d’extrémistes dans mon pays, autant de gens ignorants de ses réalités économiques et j’ai honte d’être française. Tous les pays européens ont reculé l’âge de la retraite à 65-67 ans alors qu’ils n’ont pas comme en France la dépense publique la plus élevée du monde ! (Il va de soi que la retraite à 65 ans ne vaudrait pas pour les métiers trop physiques.)

Avez-vous parfois songé à quitter la France ?
Je n’ai jamais eu envie d’aller ailleurs. Sous une forme ou une autre, le cauchemar est partout.

Jacques et Thomas Dutronc sont en tournée. Êtes-vous fière de leur entente ?
Je suis fière de leur grand talent et ce qu’ils font ensemble m’enchante.

En amour, peut-on passer de la passion à l’amitié ?
Dans certains cas sans doute. Mais Jacques aura été l’homme de ma vie et les sentiments que nous éprouvons aujourd’hui l’un pour l’autre vont plus loin qu’une simple amitié.

Vous êtes extrêmement aimée des Français. Est-ce une source d’étonnement pour vous ?
Oui, bien sûr. Cela me touche beaucoup. Mais dans leur grande majorité les Français ne connaissent que quelques-unes de mes chansons, celles qui ont été diffusées, alors qu’il y en a eu des tas d’autres aussi bonnes ou encore meilleures. Assez nombreux par ailleurs sont ceux qui n’ont jamais entendu parler de moi. Ces choses-là doivent être relativisées.

L’amour est le grand thème de vos textes. Que reste-t‑il de nos amours ?, chante Charles Trenet. Que reste-t‑il de vos amours ?
Notre merveilleux Thomas… la chance d’avoir eu, d’avoir encore quelqu’un comme Jacques dans ma vie… de nombreuses belles et bonnes chansons… beaucoup de beaux souvenirs… 

Chansons sur toi et nous, Françoise Hardy, J’ai Lu, 416 pages, 9 euros.

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